Après des mois de discussions, l'avionneur américain Boeing a annoncé mardi avoir signé un protocole d'accord sur la vente d'avions à Iran Air pour 25 milliards de dollars, soit la plus grosse transaction commerciale entre Washington et Téhéran depuis la Révolution islamique de 1979.

Cet accord de principe, dont les détails restent à finaliser, pourrait marquer le retour effectif en Iran des multinationales américaines et européennes, réticentes pour l'instant à y faire des affaires par peur de mesures punitives des autorités américaines.

En dépit de la levée de sanctions économiques occidentales contre Téhéran en janvier, l'embargo américain reste pour une grande partie en place.

«Boeing confirme un protocole d'accord avec Iran Air qui a exprimé son intention d'acheter des avions commerciaux», a indiqué le constructeur aéronautique dans un courriel à l'AFP, en prenant soin de préciser que le compromis avait été négocié «suivant les autorisations du gouvernement américain».

En février, Boeing avait obtenu le feu vert du Trésor américain pour nouer des contacts avec les compagnies aériennes iraniennes mais avait besoin d'une licence spéciale supplémentaire pour leur vendre ses appareils.

L'accord avec Iran Air porte sur «plusieurs avions» allant du monocouloir 737 MAX aux 777 modèles 300ER et 900, a indiqué la compagnie d'État iranienne. Une partie des avions commandés seront en location-vente.

Le chef de l'Autorité de l'aviation civile iranienne, Ali Abedzadeh, avait annoncé dès dimanche que l'Iran s'était entendu avec Boeing pour l'achat de 100 avions afin de renouveler sa flotte vieillissante.

Dollars ou euros ?

Cette commande pourrait être évaluée à environ 25 milliards de dollars US, a indiqué à l'AFP une source proche du dossier sous couvert d'anonymat, mais ces chiffres pourraient changer d'ici la finalisation du contrat.

Pour le vice-ministre iranien des Transports, Asghar Fakhrieh Kashan, «si l'accord entre Iran Air et Boeing était signé, ce serait le plus grand et le plus important après les accords militaires d'avant la révolution» islamique de 1979.

Les tensions restent fortes entre les deux pays. L'Iran considère toujours les États-Unis comme leur principal «ennemi» et le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a encore répété récemment qu'il ne fallait pas leur faire «confiance».

Les Américains de leur côté maintiennent un embargo contre les Iraniens lié aux violations des droits de l'homme et au terrorisme. Ces sanctions interdisent aux Américains d'effectuer tout investissement lié à l'Iran.

Parallèlement, l'Office pour le contrôle des avoirs étrangers (OFAC), qui dépend du Trésor, interdit aux grandes banques étrangères présentes aux États-Unis d'effectuer tout paiement ou toute transaction en dollars impliquant Téhéran.

Dans cette optique, c'est une filiale de Boeing basée hors des États-Unis qui devrait se substituer à sa maison mère et ce serait une autre devise que le dollar qui serait utilisée, estiment les analystes.

«Si ce contrat pouvait être payé en dollars ça serait une affaire entendue», avance Cliff Kupchan chez Eurasia Group.

«Certes certains politiques aux États-Unis risquent de dénoncer cette opération mais il semble que l'administration (Obama) la soutienne. C'est suffisant pour qu'elle aille à son terme», souligne le courtier Jefferies, qui estime par ailleurs que l'opération «pourrait servir de cadre pour les autres industries cherchant à faire des affaires en Iran».

Fin janvier, l'avionneur Airbus a signé un protocole d'accord avec l'Iran sur l'achat de 118 appareils mais il est toujours en attente du feu vert de l'OFAC car plus de 10% des composants des Airbus sont d'origine américaine.

Les grandes banques européennes qui accompagnent souvent Airbus dans ses contrats rechignent également à financer l'opération par peur d'un retour de bâton de l'OFAC, indiquent des sources proches du dossier.

L'Iran, dont tous les pans de l'économie sont à reconstruire, a besoin de remplacer 230 des 250 avions actuellement en service, selon Ali Abedzadeh.

Outre Iran Air, qui affirme desservir une trentaine de destinations internationales dont Paris, Londres et Rome, d'autres compagnies aériennes iraniennes privées pourraient également acquérir des Boeing. L'avionneur américain a prévenu qu'il «continuera à suivre les instructions du gouvernement américain dans ses relations avec les compagnies aériennes iraniennes».