Bombardier et Embraer ont commencé à « empiéter » sur le duopole de Boeing et Airbus, mais ce n'est pas demain la veille que les avionneurs canadien et brésilien s'empareront de parts de marché significatives, indique Moody's dans une analyse publiée hier.

« Il faudra encore pas mal de temps, mais le début de la fin du long duopole Boeing/Airbus est finalement à nos portes », s'exclame Russell Solomon, vice-président principal de l'agence de notation new-yorkaise, dans un communiqué.

Selon Moody's, Bombardier, Embraer ainsi que des constructeurs de Russie (Sukhoi et Irkut) et de Chine (COMAC) pourraient accaparer jusqu'à 10 % des livraisons d'avions de 100 places et plus au cours des 10 prochaines années. Il faut toutefois préciser que ces entreprises offrent des avions d'une capacité maximale de 150 passagers, alors que Boeing et Airbus offrent tous deux plusieurs gammes d'appareils pouvant transporter jusqu'à 650 personnes.

La concurrence particulièrement vive dans le segment des avions à fuselage étroit a déjà commencé à entraîner une baisse des prix, surtout depuis que Bombardier a accepté, il y a six mois, de solder ses appareils C Series pour garnir son carnet de commandes, note Moody's. « Les clients semblent avoir plus de pouvoir de négociation aujourd'hui que lorsque les prix du pétrole étaient beaucoup plus élevés et que des transporteurs de toutes sortes passaient des commandes d'avions importantes », écrit l'agence.

Moody's fait remarquer que Boeing et Airbus sont mieux placés que Bombardier et Embraer pour casser les prix puisque les deux géants ont déjà livré, à eux deux, environ 16 000 avions à fuselage étroit, ce à quoi s'ajouteront les quelque 10 000 appareils figurant actuellement dans leurs carnets de commandes. Bombardier inscrira bientôt à ses états financiers une provision de 500 millions US pour les 127 avions récemment vendus à perte à trois clients, dont Delta Air Lines et Air Canada. Ces pertes sont liées aux « prix de lancement » consentis aux acheteurs et aux coûts d'assemblage plus élevés en début de production.

JETS RÉGIONAUX

Bombardier Avions commerciaux a par ailleurs annoncé hier la nomination de Kevin Smith au poste de vice-président responsable des avions régionaux. Le constructeur souhaite ainsi relancer les ventes de ses jets CRJ et de ses turbopropulsés Q400, des appareils qui se sont fait damer le pion par la concurrence au cours des dernières années, alors que la C Series accaparait toute l'attention.

M. Smith a notamment dirigé les équipes qui ont décroché les commandes d'appareils C Series placées par Swiss et Delta Air Lines.

BOMBARDIER AVIONS D'AFFAIRES RÉDUIT SES PRÉVISIONS

Bombardier revoit à la baisse ses prévisions pour le marché de l'aviation d'affaires pour tenir compte du ralentissement des économies des pays émergents.

L'avionneur montréalais prévoit que 8300 avions d'affaires seront livrés d'ici 2025 dans les catégories où il est présent, ce qui représente des revenus totaux de 250 milliards US. Il y a un an, l'entreprise tablait sur 9000 livraisons d'une valeur cumulative de 267 milliards US de 2015 à 2024. D'autres entreprises de l'industrie ont également revu leurs projections à la baisse au cours des derniers mois.

C'est en Asie, en Afrique et en Russie que la demande a le plus reculé, selon Bombardier. Et comme c'est le cas depuis plusieurs années, ce sont les avions de petite et de moyenne taille qui souffrent le plus de la faiblesse du marché mondial. Il reste que les livraisons devraient demeurer stables dans les deux principales régions où se trouvent les acheteurs d'avions d'affaires, l'Amérique du Nord et l'Europe.

« À mesure que la croissance reviendra dans les régions émergentes, Bombardier est convaincu que le marché des avions d'affaires reprendra, car la popularité de l'aviation privée continue d'augmenter chaque année », affirme le constructeur dans un communiqué publié hier à l'occasion du Salon européen de l'aviation d'affaires (EBACE), qui se tient à Genève.

Réagissant au ralentissement du secteur, Bombardier a réduit la cadence de production de ses plus grands avions d'affaires, les Global 5000 et 6000. Environ 1750 salariés, dont 1480 au Canada, ont été mis à pied au cours des derniers mois. Il faut dire que Bombardier avait grandement accru sa production en 2014. Selon des acteurs de l'industrie cités hier par l'agence Bloomberg, le constructeur a agi ainsi dans le but de générer des liquidités pour financer le développement de la C Series, mais la hausse de régime a contribué à faire reculer les prix de vente. - Sylvain Larocque, La Presse

Infographie La Presse

Source : Moody’s