Le gouvernement fédéral a récemment abandonné l'idée de mettre à niveau le vieux brise-glace Louis S. St-Laurent, annulant du coup un contrat de 9 millions attribué à l'entreprise Chantier Davie Canada, selon des informations obtenues par La Presse.

Selon certains observateurs, cette décision n'est pas forcément un revers pour le chantier maritime de Lévis. Cela pourrait effectivement ouvrir la porte à l'acceptation par le gouvernement Trudeau de l'offre non sollicitée de Chantier Davie Canada de construire trois navires pour la Marine royale canadienne et la Garde côtière, soit un brise-glace et deux navires polyvalents.

Cette offre non sollicitée avait été soumise à Ottawa en février, mais la ministre des Travaux publics Judy Foote l'avait rapidement écartée, au grand dam du Parti conservateur.

Construit en 1969, le brise-glace Louis S. St-Laurent doit être mis hors service l'an prochain. Mais divers travaux de réparation devaient être effectués entre les mois de mars et juin pour la somme de 9 millions afin d'assurer une dernière année de service avant sa mise au rancart en 2017. Les travaux en cale sèche devaient durer environ 16 semaines. Mais le contrat comportait aussi une clause de résiliation.

En 2010, le gouvernement fédéral a attribué le contrat de construction d'un nouveau brise-glace, le John Diefenbaker, à l'entreprise de Vancouver Seaspan. Le hic, c'est que ce chantier maritime doit d'abord effectuer des travaux sur ses installations avant d'entreprendre la construction du brise-glace. Résultat : la construction pourrait ne pas commencer avant 2020, de telle sorte que la Garde côtière pourrait se retrouver sans brise-glace pour une certaine période de temps.

Chantier Davie Canada pourrait construire un nouveau brise-glace polaire dans un délai de 18 mois, selon ce qu'on a pu apprendre, et il s'appellerait le Montcalm.

UNE FLOTTE ÂGÉE

Dans un rapport remis au gouvernement Trudeau en février sur l'avenir du transport au pays, l'ancien ministre de l'Industrie David Emerson soulevait plusieurs inquiétudes au sujet de la capacité opérationnelle de la Garde côtière, relevant que « non seulement elle manque de personnel, mais sa flotte est l'une des plus âgées du monde et le besoin de la renouveler est urgent [les navires ont en moyenne près de 34 ans] ».

Il soulignait aussi que le brise-glace actuellement en service, le Louis S. St-Laurent, a été construit il y a près de 50 ans et qu'il devait initialement être mis au rancart dans les années 90. Un brise-glace est essentiel pour assurer le transport maritime dans les eaux glacées en hiver, entre autres.

Au ministère des Travaux publics, on s'est montré prudent. Le gouvernement fédéral est-il prêt à reconsidérer l'offre non sollicitée de Chantier Davie Canada ?

« Le gouvernement du Canada maintient son engagement envers la Stratégie nationale de construction navale [SNCN] et les deux chantiers navals sélectionnés pour construire nos navires de plus de 1000 tonnes, notamment le brise-glace polaire. »

- Pierre-Alain Bujold, porte-parole du ministère des Travaux publics

« L'objectif de la SNCN est de procurer à la Marine royale canadienne et à la Garde côtière canadienne les navires dont elles ont besoin, de créer une industrie de la construction navale canadienne durable et de veiller à ce que les retombées économiques demeurent au Canada. Une relation stratégique à long terme a été établie dans le cadre de cette stratégie. Les chantiers navals Irving et Seaspan ont été sélectionnés au terme d'un processus concurrentiel fondé sur le mérite. Le chantier naval Davie a participé à ce processus, mais n'a pas été retenu », a-t-il ajouté.

« On abordera toute exigence provisoire possible en mobilisant l'industrie et en suivant les règlements et les pratiques du gouvernement, ce qui comprend la mise en place de processus d'approvisionnement équitables, ouverts et transparents », a-t-il toutefois souligné.

Chose certaine, la Fédération maritime du Canada s'inquiète au plus haut point de voir la Garde côtière être incapable d'assurer le passage des navires de marchandises dans les eaux glacées. La FMC a rappelé récemment que les brise-glaces sont essentiels pour assurer le transport maritime durant les périodes hivernales et que la Russie et la Chine compteront des dizaines de ces navires dans l'Arctique d'ici quelques années.

« Le gouvernement fédéral doit prendre les mesures immédiates pour s'assurer qu'il n'y ait pas de période où il n'y aurait pas de capacité opérationnelle », a-t-on fait valoir.