Dans la foulée de l'investissement de 1,5 milliard US de la Caisse de dépôt et placement, les réunions du conseil d'administration de Bombardier Transport se tiendront désormais à Londres et se dérouleront en anglais.

C'est ce qu'indiquent les statuts de Bombardier Transportation (Investment) UK Limited, la société de droit britannique constituée pour accueillir la prise de participation de 30 % de la Caisse dans la division ferroviaire de la multinationale québécoise. La clôture de l'investissement annoncé en novembre a eu lieu plus tôt ce mois-ci, la Commission européenne ayant approuvé la transaction à la fin janvier.

Depuis l'acquisition du constructeur allemand Adtranz, en 2001, le siège social de Bombardier Transport était situé à Berlin. Depuis le 11 février, le « siège corporatif » de Bombardier Transport est à Londres alors que Berlin conserve le « siège opérationnel » de la division.

« Nous avons mené une analyse approfondie au cours de laquelle le Canada et l'Allemagne ont aussi été examinés. Le Royaume-Uni est la juridiction qui s'est avérée la plus appropriée compte tenu des conditions opérationnelles, juridiques, etc. » - Isabelle Rondeau, porte-parole de Bombardier, au cours d'un entretien téléphonique avec La Presse

Mme Rondeau a assuré que « les raisons fiscales sont un élément parmi tant d'autres » ayant convaincu Bombardier de choisir Londres. « Ce n'est pas le motif principal », a-t-elle affirmé.

Pour respecter les règles du Royaume-Uni sur les entreprises, la majorité des administrateurs de Bombardier Transport doivent être des résidants britanniques. Pour l'instant, trois salariés de Bombardier Transport résidant au Royaume-Uni ainsi que le vice-président principal aux affaires juridiques de Bombardier, Daniel Desjardins, qui habite à Westmount, siègent au conseil. La Caisse doit nommer trois administrateurs sous peu. Comme le veut le droit britannique, les réunions du conseil doivent avoir lieu au Royaume-Uni, se dérouler en anglais et être résumées dans des procès-verbaux rédigés dans la langue de Shakespeare.

« LIBRE MOUVEMENT DES CAPITAUX »

Denis Langelier, associé au sein des services fiscaux au cabinet comptable PwC, souligne que le Royaume-Uni est particulièrement attrayant pour l'établissement d'un holding regroupant des sociétés exploitantes actives en Europe, et ce pour deux raisons principalement. D'abord, Londres a conclu des conventions fiscales avec de nombreux pays. « Ça permet d'éviter la double imposition des bénéfices et de réduire les retenues d'impôt, mais aussi de faciliter l'échange d'informations entre les autorités fiscales des différents pays », note-t-il.

Ensuite, le Royaume-Uni n'impose pas les dividendes provenant des filiales étrangères actives. Une fois rapatriés au Canada, ces dividendes ne sont pas imposés non plus dans la plupart des cas.

« On peut faire monter de l'argent d'un pays européen et le faire redescendre dans un autre en passant par le Royaume-Uni sans qu'il y ait d'imposition », expose M. Langelier.

« Si ça passait par le Canada, il y aurait normalement une retenue d'impôt d'au moins 5 %. Ça permet le libre mouvement des capitaux qui ont déjà été assujettis à l'impôt dans le pays d'origine. » - Denis Langelier, associé au sein des services fiscaux au cabinet comptable PwC

Aux yeux du spécialiste, il ne s'agit pas de « flouer les gouvernements ». « C'est juste de la bonne planification, soutient-il. En l'absence de ça, il y a du leakage, c'est-à-dire qu'on se trouve à payer des impôts dans différents pays (pour les mêmes profits) et à un moment donné, ça commence à coûter cher. »

À la Caisse de dépôt, on est à l'aise avec la décision d'opter pour le Royaume-Uni. Un porte-parole, Maxime Chagnon, a martelé hier que toutes les décisions de la Caisse étaient prises au Québec, notamment celles se rapportant à Bombardier Transport, peu importe la nationalité des administrateurs qui représenteront l'institution au conseil.

« Bombardier Transport a des activités dans une vingtaine de pays d'Europe, alors c'est tout à fait légitime de prendre celui qui nous apparaît le plus avantageux, y compris du point de vue fiscal, parce que c'est notre objectif de ramener un maximum de rendement au Québec », a déclaré M. Chagnon.

La Caisse avait mis de l'avant le même argument quand La Presse avait révélé, en 2014, qu'elle détenait plusieurs filiales au Luxembourg pour réduire sa facture d'impôts.

BOMBARDIER NIE VOULOIR DÉLOCALISER DES EMPLOIS AU KANSAS

Bombardier a réfuté hier des affirmations de la Coalition avenir Québec selon lesquelles elle s'apprêterait à délocaliser à Wichita, au Kansas, quelque 75 emplois de son centre d'essais en vol de Mirabel, où sont testés les avions C Series. Une porte-parole, Isabelle Gauthier, a toutefois convenu que le centre allait fermer avec l'homologation de l'appareil CS300, prévue plus tard cette année. Les salariés qui y travaillent seront soit « redéployés » ailleurs dans l'entreprise, soit licenciés, a-t-elle précisé. Notons que c'est à Wichita qu'est situé le plus important centre d'essais en vol de Bombardier.

Photo Chris Ratcliffe, Archives Bloomberg

Depuis le 11 février, le « siège corporatif » de Bombardier Transport est à Londres alors que Berlin conserve le « siège opérationnel » de la division.

Yellow overhead cranes, manufactured by Demag Cranes AG, sit above the London Underground subway carriage production line at Bombardier Inc.’s Litchurch Lane railcar factory in Derby, U.K., on Tuesday, Feb. 25, 2014. Bombardier recently won a 1 billion-pound ( $1.63 billion) contract to build 65 trains for London’s Crossrail route, securing work at Britain’s last railcar factory. Photographer : Chris Ratcliffe/Bloomberg