Interdire Uber comme le demandent les chauffeurs de taxi est illusoire et sa légalisation est incontournable, estime le nouveau ministre des Transports, Jacques Daoust. Il a annoncé mercredi la tenue d'une commission parlementaire sur l'industrie de taxi en vue de définir des règles « équitables ».

« Il y a un consensus à l'effet qu'on ne serait pas capable d'éviter ces technologies-là, mais il va falloir les discipliner. C'est dans cette perspective-là que je m'en vais », a-t-il affirmé en conférence de presse, à la suite d'une réunion du conseil des ministres.

Selon lui, il faut prendre acte des progrès technologiques et s'adapter. Les jeunes utilisent beaucoup les nouveaux outils disponibles et ceux-ci s'avèrent très faciles à utiliser, a-t-il indiqué.

« Je pense qu'on n'échappera pas à ça. On est mieux de dire comment le rendre équitable et mieux le réglementer. Ne sous-estimez pas les moyens que possède l'État pour faire face à ça. »

La commission parlementaire permettra à tous de se faire entendre, et des solutions vont émerger selon lui. « Je ne suis pas persuadé qu'on va aller chercher un consensus à la fin. Mais au moins, on aura une vision commune. Et le gouvernement prendra les décisions qu'il a à prendre et fera les ajustements légaux ou réglementaires qui seront nécessaires », a affirmé M. Daoust.

Il a entrouvert la porte à une forme d'indemnisation pour les chauffeurs de taxi dont la valeur des permis a chuté. Il a indiqué qu'à Edmonton, une taxe appliquée sur chaque course d'Uber est utilisée à cette fin.

Il a également évoqué l'idée qu'il y ait plus d'une classe de permis de taxi. Il faut également déterminer si les chauffeurs d'Uber sont des salariés ou des travailleurs autonomes, a-t-il dit. L'État doit aussi trouver un moyen de faire payer les taxes et impôts - ils ne le sont pas à l'heure actuelle.

Il a ajouté que le gouvernement a trois objectifs : assurer la sécurité des passagers, établir des règles équitables et faire bénéficier les consommateurs du nouveau modèle.

« Je vais vous donner une vieille citation que j'ai toujours bien aimée, quand on passe comme ça dans une étape, a-t-il dit. Rappelez-vous que Thomas Edison a déjà dit, quand il avait inventé l'ampoule électrique : Je vais rendre l'éclairage électrique tellement pas cher qu'il va falloir être riche pour s'éclairer à la chandelle. Bien, c'est un petit peu là où on en est actuellement. »

Saluant le dépôt hier d'une requête en injonction par l'industrie du taxi contre Uber, le maire de Montréal a estimé plus tôt aujourd'hui que «le gouvernement du Québec doit mettre l'épaule à la roue». Denis Coderre dit vouloir mettre fin à la «concurrence déloyale» dont sont victimes les chauffeurs de taxi qui risquent de perdre leur investissement dans leur permis, qui valent au total plus de 1,2 milliard.

«On a besoin de standards pour avoir une concurrence loyale. On a rien contre la technologie, ça n'a rien à voir avec la technologie, il faut qu'on s'assure de travailler dans un environnement décent», a dit le maire Coderre.

Uber salue la décision

Uber Canada a rapidement salué la décision du ministre Daoust de créer une commission parlementaire sur la question. « Depuis notre arrivée au Québec, nous souhaitons une réglementation encadrant le covoiturage urbain et  nous serons heureux  de collaborer avec le ministre et les membres de la commission parlementaire», a déclaré son porte-parole Jean-Christophe de le Rue.

Le Regroupement des travailleurs autonomes des Métallos, qui a déposé lundi une demande d'injonction en Cour supérieure pour faire désactiver l'application Uber à la grandeur du Québec, a refusé de commenter l'annonce du ministre. La requête judiciaire, qui pourrait prendre plusieurs mois avant d'aboutir, demeure néanmoins active.

La grogne est assez évidente chez les chauffeurs de taxi. Hassan Kattoua, chauffeur de taxi montréalais et militant très actif contre Uber, promet de «frapper, et de frapper fort» contre les chauffeurs Uber X au cours des prochains jours. Depuis quelques semaines, lui et un petit groupe de chauffeurs ciblent les voiture d'Uber, les encerclent et forcent le Bureau du taxi à intervenir contre leurs propriétaires. M. Kattoua entend accentuer ce moyen de pression au cours des prochains jours.

Stanley Bastien, de la coopérative des taxis de l'est, affirme qu'une grande journée de mobilisation était prévue pour le 10 février. Plusieurs chauffeurs comptaient débrayer et faire pression sur les chauffeurs UberX. « J'ai l'impression que le ministre cherche à court-circuiter le mouvement de solidarité», commente-t-il.

Guy Chevrette, négociateur du Comité provincial de concertation de l'industrie du taxi, assure pour sa part que l'industrie participera de bonne foi à la commission parlementaire. «On va aller se défendre. L'État a une responsabilité monumentale dans tout ça. C'est l'État qui a contingenté le nombre de taxis au Québec, qui a imposé des inspections et des permis. L'état ne peut pas s'en dissocier, et c'est ce dont on va vouloir discuter», a déclaré M. Chevrette. L'organisme souhaite par ailleurs que les saisies de véhicules de chauffeurs UberX se poursuivent d'ici une éventuelle légalisation d'Uber 

Chez Taxi Diamond, le PDG Dominic Roy se montre peu surpris de voir le nouveau ministre des Transports, Jacques Daoust, se positionner aussi rapidement en faveur d'une légalisation d'Uber «L'ancien ministre, Robert Poëti, disait qu'Uber est illégal mais ne faisait rien pour l'empêcher de fonctionner, affirme-il. Ce qu'il nous reste à faire, c'est d'aller faire entendre nos arguments pour améliorer la situation.»

- Avec Pierre-André Normandin