L'avionneur américain Boeing a livré un nombre record d'avions civils en 2015, mais sa performance commerciale a été plombée par une chute de près de moitié de ses commandes.

Le groupe de Chicago a récolté les fruits d'une hausse de ses cadences de production pour dépasser ses objectifs en livrant 762 appareils à ses clients, en hausse de 5,4 % sur un an. En début d'année, il prévoyait de livrer de 755 à 760 avions.

Ce record est néanmoins entaché par une chute de 46,4 % du nombre d'avions commandés par les compagnies aériennes, qui s'élève à 768 pour une valeur totale de 112,4 milliards de dollars au prix catalogue. En 2014, année historique, l'avionneur avait obtenu 1432 commandes nettes.

En conséquence, l'action chutait lourdement à Wall Street perdant 3,82 % à 133,53 dollars vers 20 h GMT.

S'il est plus que probable que Boeing va battre son grand rival Airbus en termes de livraison, l'avionneur européen devrait l'emporter largement sur le front des commandes.

Au 30 novembre, Airbus, qui détient le record absolu de l'histoire de l'aéronautique (1503 commandes nettes en 2013), recensait déjà 1.007 commandes nettes, grâce notamment à son best-seller A320 qui lui permet de dominer le segment du moyen-courrier.

Il avait livré en revanche seulement 556 appareils, mais promettait de dépasser la barre des 629, atteinte en 2014. L'avionneur européen doit publier son bilan commercial le 12 janvier.

Les livraisons sont le baromètre le plus scruté par les experts, car une compagnie aérienne paie traditionnellement quand elle prend possession de l'appareil. L'impact sur le chiffre d'affaires des constructeurs aéronautiques est donc considérable.

Les livraisons ont en outre pris beaucoup d'importance ces derniers mois parce que Boeing, comme son grand rival Airbus, dispose de carnets de commandes fournis, suscitant des interrogations sur leurs capacités à respecter leur calendrier respectif.

Au 31 décembre, le carnet de commandes (5795 appareils) - les avions que Boeing doit livrer - représentait plus de sept années et demie de production aux cadences actuelles.

Compétition féroce

Pour tenir leurs engagements, les deux constructeurs, qui se rendent coup pour coup dans le moyen et le long-courrier afin de ne pas perdre des parts de marché, ont décidé d'augmenter leurs cadences de production.

La compétition est surtout féroce dans les monocouloirs, ou moyen-courrier, segment dont la demande est nourrie par la volonté des compagnies aériennes de profiter de la chute des prix du kérosène pour renouveler leur vieille flotte.

Boeing, qui produit actuellement 42 appareils de la famille 737 par mois, va porter ce chiffre à 47 en 2017 et 52 en 2018.

De son côté, Airbus, qui entend préserver son avance, veut porter la cadence de production de l'A320, à 60 exemplaires par mois mi-2019, contre 42 actuellement.

« Nous pouvons produire 60 par mois (...), mais nous devons juste nous assurer qu'il y a une demande », a rétorqué en mai Ray Conner, un des responsables de Boeing.

Le groupe de Seattle prévoit notamment de muscler son usine de Renton, où sont produits les 737 de nouvelle génération (737 MAX). Cette usine dispose actuellement de trois chaînes de montage et a la capacité de produire 63 appareils par mois. Actuellement 12 000 personnes y travaillent, mais des emplois supplémentaires y sont annoncés dans les prochaines années.

Dans le long-courrier, qu'il domine, Boeing veut produire par mois 12 exemplaires du 787 « Dreamliner », l'avion de nouvelle génération construit avec une forte proportion de matériaux composites, à partir de 2016 et 14 d'ici 2020. En 2015, 10 B787 sortaient des usines d'Everett et de Charleston.

La réponse d'Airbus n'a pas tardé : l'avionneur européen envisage de livrer 110 avions par an de son dernier-né A350 d'ici 2019, soit un bond comparé à ce qu'il prévoyait de livrer en 2015 (15 appareils).

Ce rythme effréné inquiète les analystes, qui mettent en garde contre une surchauffe du marché suite au ralentissement de l'économie chinoise, l'Asie ayant été jusqu'à présent la locomotive des commandes.

Les sous-traitants, qui travaillent souvent pour les deux avionneurs, redoutent eux de ne pouvoir suivre.

En 2005, Boeing et Airbus avaient livré à eux deux un peu plus de 500 appareils. Dix ans plus tard, ce chiffre a plus que doublé.