Le Canadien Pacifique s'est adjoint les services d'un actionnaire activiste bien connu dans sa croisade pour mettre la main sur le chemin de fer américain Norfolk Southern, qui a rapidement rejeté mardi une version améliorée de son offre d'achat.

Le transporteur de Calgary a fait appel à l'investisseur américain Bill Ackman pour contester les qualifications du chef de la direction de Norfolk Southern, James Squires, et a ouvert la porte au dépôt d'une offre hostile si le conseil d'administration de la société établie en Virginie continue à s'opposer à toutes négociations.

«Nous allons travailler et avoir recours à tout ce qui est à notre disposition pour faire parvenir cela aux actionnaires et obtenir une résolution, a affirmé mardi le chef de la direction du Canadien Pacifique, Hunter Harrison, lors d'une conférence téléphonique. S'il nous faut un mandataire, alors nous allons l'avoir.»

Après avoir tenté de conclure une entente amicale, le CP (TSX:CP) change de stratégie et se tourne vers le plan de match qui, sous la gouverne de M. Ackman, avait permis en 2012 de procéder à d'importants changements chez le deuxième plus grand transporteur ferroviaire au Canada.

M. Ackman, un important actionnaire du CP, a estimé que l'opposition de Norfolk Southern était semblable à la réponse à laquelle il s'était heurté lorsqu'il tentait d'opérer un changement de garde chez le CP, il y a trois ans.

Le transporteur américain dénigre le plan de M. Harrison pour améliorer l'efficacité, affirmant qu'il est «irréaliste et impossible à réaliser». Cependant, sous la gouverne de M. Harrison, le CP a réduit ses coûts plus rapidement que prévu, a rappelé Ackman.

M. Harrison peut opérer le même genre de redressement chez Norfolk Southern, dans le cadre d'un regroupement des deux sociétés qui permettrait de créer le plus grand transporteur ferroviaire en Amérique du Nord, a précisé M. Ackman.

«Ce que j'aime chez les chefs de la direction âgés de 71 ans, c'est qu'ils sont motivés à ce que les choses se fassent rapidement», a dit M. Ackman au sujet de M. Harrison lors de la conférence.

Le CP a expliqué dans une lettre adressée au chef de la direction de Norfolk Southern qu'en vertu de la nouvelle version de son offre, ses actionnaires détiendraient 47 pour cent de la nouvelle entreprise fusionnée, comparativement à 41 pour cent dans l'offre précédente.

La nouvelle proposition accorderait 32,86 $ en espèces et un ratio d'échange fixe à 0,451 action dans la nouvelle entreprise - une «offre substantiellement plus attrayante financièrement», selon le CP.

La première proposition, mise de l'avant le mois dernier, accordait 46,72 $ en espèces, mais moins d'actions dans la nouvelle entreprise, avec un ratio de d'échange fixe à 0,348.

Même si l'offre révisée comprend moins d'espèces et plus d'actions que la première, elle prévoit que la transaction serait conclue en mai plutôt qu'à la fin de 2017.

L'entreprise canadienne calcule que la valeur de l'offre reviendra entre 120 à 140 $ US par action au moment de la conclusion. Les actions d'un des transporteurs, vraisemblablement le Canadien Pacifique, seraient alors placées en vertu d'une convention de fiducie et les actions de la nouvelle entité commenceraient à être échangées à la Bourse de Toronto et à la Bourse de New York.

Hunter Harrison quitterait alors son poste au CP et romprait tous ses liens financiers avec l'entreprise pour diriger Norfolk Southern jusqu'en 2018 ou en 2019, tandis que le chef de l'exploitation du CP, Keith Creel, prendrait le contrôle de la nouvelle entreprise.

Les deux entreprises fusionneraient à l'automne 2017, après avoir reçu l'approbation des organismes américains de réglementation. Si la transaction n'obtenait pas les approbations nécessaires, la convention de fiducie prendrait fin et les deux entreprises rompraient leurs liens. M. Harrison conserverait alors le poste de chef de la direction de Norfolk Southern.

M. Ackman a dit espérer que les grands actionnaires de Norfolk Southern qui ont approché le Canadien Pacifique allaient donner un coup de fil au conseil d'administration et à la direction du transporteur pour tenter de les convaincre de «reprendre leurs esprits».

Selon lui, M. Squires, qui est aussi président de Norfolk, n'a pas l'expérience d'exploitation nécessaire pour améliorer la performance de sa société, comme il l'a promis, comparativement à M. Hunter, dont la carrière d'une cinquantaine d'années en fait le «plus grand cheminot de tous les temps».

«Ce qui se produit dans des situations comme celle-ci, c'est que l'orgueil se pose en obstacle», a ajouté M. Ackman au sujet des efforts de M. Squires pour conserver son poste.

Norfolk Southern n'a pas retourné des appels demandant une réaction aux commentaires de M. Ackman. Mais l'entreprise a affirmé mardi dans un communiqué que la nouvelle offre du CP était encore plus incertaine et risquée, et qu'elle valait encore moins que la première. Elle avait déjà refusé l'offre initiale en la qualifiant de «profondément inadéquate».

«En plus d'être profondément inadéquate, la proposition repose sur une structure de convention de fiducie que nous avons étudiée et nous ne croyons pas que celle-ci serait approuvée par le STB», a affirmé M. Squires dans le communiqué, en référence au Surface Transportation Board des États-Unis, un organisme de réglementation.

Selon le CP, la nouvelle version de son offre amoindrirait les inquiétudes réglementaires au sujet de l'éventuelle fusion, mais Norfolk a dévoilé une opinion émise par deux anciens présidents du STB qui croient que l'organisme n'approuverait pas le recours à une structure de convention de fiducie parce qu'il ne servirait pas les intérêts du public.

Les organismes fédéraux de réglementation n'ont pas approuvé de grande transaction dans le domaine des transports depuis au moins 15 ans. La dernière entente d'importance remonte à 2010, lorsque le conglomérat de Warren Buffet, Berkshire Hathaway, avait acheté BNSF.