Soucieux de «la qualité de vie des Torontois», le gouvernement Trudeau ne reviendra pas sur sa décision de bloquer le prolongement de la piste à l'aéroport Bishop de Toronto, qui aurait permis aux nouveaux avions à réaction de la CSeries de Bombardier de se poser à deux pas du centre-ville.

Le gouvernement libéral a refusé, il y a 15 jours, la requête de Porter Airlines, qui souhaitait renégocier l'entente tripartite conclue entre la Ville de Toronto, l'administration portuaire et Ottawa. Le transporteur aérien voulait allonger la piste à l'aéroport Billy-Bishop afin d'y permettre l'atterrissage et le décollage d'avions à réaction. Actuellement, ce petit aéroport urbain, situé sur une île en face du centre-ville, ne peut accueillir que des avions à hélices.

Le ministre des Transports, Marc Garneau, a réitéré, vendredi, que les libéraux respecteraient leur promesse faite avant et pendant la campagne électorale. Cet engagement, a-t-il dit, répondait aux inquiétudes manifestées par plusieurs électeurs de Toronto au sujet de l'aménagement des berges de leur ville - un enjeu qui dépasse, donc, le seul problème du bruit des avions à réaction pour les riverains de l'aéroport.

Des voix se sont élevées depuis pour demander au gouvernement fédéral d'accepter au moins de reconsidérer sa décision lorsque la Ville et l'administration portuaire publieront, au début de l'an prochain, leurs études d'évaluation et de faisabilité.

Mais le ministre Garneau est catégorique: rien ne pourra le faire changer d'avis dans ce dossier. «C'est plus qu'une question (de bruit): il s'agit d'une promesse électorale, et le fait que les Torontois veulent avoir leur mot à dire lorsqu'il est question de développement des berges de leur ville», a-t-il expliqué dans une entrevue téléphonique. «Parfois, c'est la qualité de vie qui prime.»

Mauvaise nouvelle pour Bombardier

Porter avait commandé en 2013 une douzaine d'appareils CSeries de 110 à 125 sièges - un contrat d'une valeur de 870 millions US - à condition de pouvoir les utiliser à l'aéroport Billy-Bishop. Le transporteur, unique client canadien pour les CSeries, avait également des options sur 18 autres appareils, ce qui ferait grimper la valeur du contrat à 2,15 milliards US.

Si Porter annulait sa commande, ce serait un autre coup dur pour Bombardier, qui a de la difficulté à vendre ses avions CSeries et qui n'a pas obtenu de nouvelles commandes depuis plus d'un an. Bombardier compte des engagements pour 603 CSeries, dont 243 commandes fermes, mais l'avion arrive avec deux années de retard et un dépassement de coûts de 2 milliards US.

Le gouvernement du Québec a accepté fin octobre de verser 1 milliard  US à Bombardier pour l'aider à finaliser le développement des CSeries, en échange d'une participation à 49,5% dans le projet. Bombardier espère maintenant un semblable coup de pouce du gouvernement fédéral.

Le président de l'organisme «NoJetsTO», Norman Di Pasquale, a estimé vendredi que les déclarations du ministre Garneau constituaient «le dernier clou dans le cercueil» du projet d'agrandissement de l'aéroport. «Pour nous, l'enjeu était, dès le départ, l'aménagement des berges, et nous félicitons le ministre d'avoir été très clair là-dessus» vendredi.

Le Parti progressiste-conservateur de l'Ontario, opposition officielle à l'Assemblée législative, déplore cette décision, qui nuira, estime-t-on, à l'économie locale, provinciale et nationale. Dans une lettre au ministre Garneau, le député provincial Monte McNaughton estimait il y a une semaine que l'agrandissement de l'aéroport pourrait se traduire par des retombées économiques de 250 millions par année à Toronto, et par 2000 emplois potentiels chez Porter et Bombardier.

Un porte-parole de Porter a indiqué vendredi que le transporteur n'avait aucun commentaire à formuler.