Paul Tellier se dit très déçu que la direction de Bombardier (T.BBD.B) n'ait pas agi plus rapidement pour corriger le tir et remplacer son PDG. Et il croit qu'aujourd'hui, Alain Bellemare doit disposer de toute la latitude voulue pour manoeuvrer.

Le gestionnaire réputé, qui a lui-même été président de Bombardier en 2003 et 2004, connaît bien la «complexité» de l'organisation contrôlée par la famille Beaudoin-Bombardier.

«Je suis très déçu que certains changements de personnel n'aient pas été faits plus tôt. Je n'irai pas plus loin que ça. Et je suis très déçu qu'on ait laissé la situation se détériorer à ce point-là», dit-il en se montrant prudent dans ses propos.

Hier, il a accordé quelques entrevues, lui qui s'était tenu à l'écart depuis son départ en 2004. Paul Tellier affirme avoir accepté de commenter la situation pour essayer d'être utile, car dit-il, il s'agit d'un dossier complexe et important au Canada.

Le bon gars

«C'était un fleuron de l'économie canadienne et j'espère que ça va en redevenir un. Je pense qu'Alain Bellemare est le bon gars. Si on lui donne les coudées franches et s'il écoute les investisseurs et ce que les investisseurs exigent, il devrait passer à travers», ajoute l'homme de 76 ans.

L'homme connaît la chanson. Au cours de sa carrière, il a notamment été membre des conseils d'administration de Petro-Canada, Manuvie, CN, Alcan, Rio Tinto, BCE, McCain et Bombardier.

«Habituellement, quand ça va mal dans une entreprise, on change le PDG. Ensuite, si les choses ne s'améliorent pas, on change le président du conseil d'administration. Si ça ne s'améliore pas, les actionnaires exigent, dans la mesure où ils le peuvent, des changements au sein du conseil d'administration. Je ne veux pas aller plus loin que ça.»

Pour bien faire comprendre le fond de sa pensée, il trace un parallèle évocateur avec Barrick Gold. Cette société minière canadienne a profondément modifié sa structure au cours des deux dernières années dans la foulée d'une charge menée par plusieurs investisseurs institutionnels.

«Il y a eu le départ du PDG, du président du conseil, ainsi que le départ de plusieurs administrateurs. Barrick Gold a abandonné certains projets et tente de rebâtir sa crédibilité. Il y a une certaine ressemblance avec Bombardier, car Barrick Gold a été bâtie par un individu, Peter Munk. Des changements s'imposaient et ils ont été apportés», dit Paul Tellier.

L'ex-mandarin fédéral croit que les meilleurs gestionnaires doivent faire preuve d'ouverture et de modestie. «Ma petite-fille de 15 ans me disait l'autre jour que si tu es toujours le meilleur dans une pièce, c'est parce que tu es dans la mauvaise pièce», raconte Paul Tellier.

À cet égard, il revient sur son expérience à la tête du CN. «Michael Sabia a contribué autant que moi au succès de la privatisation du CN parce qu'ayant recruté moi-même Michael, [celui-ci] s'est retourné pour recruter Claude Mongeau, et ainsi de suite.»

«La plupart du temps, quand j'entrais dans une pièce, les gens qui s'y trouvaient étaient de beaucoup supérieurs à moi. Le leadership, c'est de savoir s'entourer d'individus et de ne pas être toujours le meilleur dans la pièce. C'est un jeu d'équipe. Au CN, lorsqu'on a acheté Illinois Central à la fin des années 90, Hunter Harrison m'a demandé à quel moment je souhaitais qu'il parte. Je lui ai répondu: «Es-tu fou? On a payé trop cher pour ta compagnie. Tu fais partie des actifs. Tu viens travailler avec moi.» »

Hunter Harrison a finalement succédé à Paul Tellier aux commandes du CN lorsque ce dernier est parti pour aller diriger Bombardier.

«La qualité des ressources humaines est essentielle et Alain Bellemare doit avoir toute la flexibilité sur ce plan-là.»

Avant de diriger le CN et Bombardier, Paul Tellier a été greffier du Conseil privé, le plus haut poste de fonctionnaire au pays.

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LE PARCOURS DE PAUL TELLIER

Chez Bombardier, il a notamment orchestré la vente de Bombardier Produits Récréatifs.

Aujourd'hui, à l'âge de 76 ans, il siège encore à quelques conseils d'administration et s'implique notamment auprès de la faculté de gestion de l'Université McGill. Il se rend notamment à Londres sept ou huit fois par année et en Australie quelques fois par année pour le compte de Rio Tinto.

Il est président du conseil de Global Container Terminals (qui appartient à Teachers'). Il apporte aussi son aide à GM Canada. Il se dit en excellente forme physique. «J'ai toujours fait de l'exercice tous les jours [ski, vélo, natation, course à pied, etc.], mais j'en fais plus que jamais, car c'est très important en vieillissant.»