C'est finalement Northrop Grumman qui a remporté la mise: le groupe de défense américain va construire le prochain bombardier américain à long rayon d'action, un contrat juteux estimé à plus de 55 milliards de dollars.

Après de longs mois de suspense, le Pentagone a annoncé mardi dans un bref communiqué l'attribution de la prestigieuse commande. Chaque exemplaire devrait coûter 564 millions de dollars, selon des responsables.

«Nous pensons que notre décision représente la meilleure valeur pour notre nation», a commenté Deborah Lee James, secrétaire aux Forces aériennes, lors d'une conférence de presse.

«Je suis ravie d'annoncer que l'armée de l'air des États-Unis a octroyé le contrat du Long range strike bomber au groupe Northrop Grumman», a-t-elle indiqué.

La commande porte sur une centaine d'appareils maximum, qui devraient entrer en service à partir du milieu de la décennie 2020.

«L'Air Force a pris la bonne décision pour la sécurité de notre pays», s'est réjoui Wes Bush, PDG de Northrop Grumman, cité dans un communiqué après l'attribution.

«Notre équipe a les ressources en place pour mettre en oeuvre cet important programme, et nous sommes prêts à nous mettre au travail», a-t-il ajouté, soulignant que son groupe collaborait avec l'armée de l'air des États-Unis depuis 35 ans.

Le secrétaire à la Défense Ashton Carter a fait savoir que le projet prévoyait des investissements importants dans les technologies de surveillance, dans les capacités de guerre électronique et dans les systèmes d'armement avancés.

«Cette décision s'appuie sur l'aptitude, la réutilisation, le coût abordable et la capacité de dissuasion qu'un tel appareil peut fournir s'il est correctement conçu et équipé», a relevé le chef du Pentagone.

Le futur bombardier, surnommé LRSB ou B-3, a vocation à remplacer la flotte vieillissante de B-52 --vestige de la Guerre froide très utilisé lors de la guerre du Vietnam-- dont la moyenne d'âge est de 51 ans, et de B-1 qui sont entrés en service dans les années 1980.

David contre Goliath

Mais les caractéristiques du nouvel avion sont pour l'instant entourées du plus grand secret.

Il doit être en mesure d'emporter l'arme nucléaire, d'échapper aux défenses anti-aériennes les plus sophistiquées et d'emporter une grande quantité de bombes et de missiles sur de très longues distances.

L'objectif est qu'il puisse se faufiler dans les espaces aériens les mieux protégés, comme ceux de Russie et de Chine qui ont investi des sommes énormes pour se doter de systèmes de missiles et de radars ultra-perfectionnés pour repérer tout intrus.

L'expert en aviation Richard Aboulafia expliquait mi-septembre que la silhouette de ce futur bombardier serait proche d'une aile volante, comme le B-2. Ce modèle, construit déjà par Northrop, est en service depuis le début des années 1990.

Il devrait pouvoir voler très haut, mais pas en vitesse supersonique pour des raisons d'autonomie, avait-il relevé.

Il s'est dit surpris mardi par la victoire de Northrop. «C'est énorme, c'est un changement de donne de grande ampleur» pour ce groupe, soulignant que le duel était un peu David contre Goliath.

Northrop Grumman était en effet en concurrence avec un consortium de géants de l'industrie aéronautique, composé de Boeing et Lockheed Martin.

Selon la société d'études BGA-Aeroweb, les membres du consortium cumulaient à eux deux près de 15% du budget d'acquisition total du Pentagone, et Northrop seulement 3,25%, avant ce contrat.

Northrop s'était offert en février dernier lors du très regardé Superbowl, finale de football américain, quelques dizaines de secondes de publicité montrant brièvement un avion type aile volante, dissimulé sous un voile.

«Construire des avions d'un genre encore jamais vu, voilà ce que nous faisons», soulignait la voix off.

«Déçus», Boeing et Lockheed Martin se disent persuadés que leur appareil offrait des capacités et des ressources «sans précédent».

En conséquence, «nous allons discuter avec notre client (Le Pentagone) et déterminer la suite à donner», concluent les deux groupes dans un communiqué commun.

Les protestations sont fréquentes lors de l'attribution de gros contrats.

Il s'agit du sixième programme d'armement le plus cher en cours au Pentagone, loin derrière celui de l'avion de combat F-35 (près de 400 milliards de dollars), et également le bouclier anti-missiles, les sous-marins des classes Virginia et Ohio, et les navires de combat DDG-51.