La direction d'Air France a confirmé officiellement lundi que son plan de restructuration menacerait 2900 postes, déclenchant la colère de plusieurs centaines de salariés qui ont violemment interrompu la réunion du Comité central d'entreprise (CCE).

La compagnie a «fermement» condamné des «violences physiques» et son intention de porter plainte. Le directeur des ressources humaines Xavier Broseta a été violemment pris à partie, mis torse nu et a «manqué de se faire lyncher», selon un délégué syndical.

La direction a annoncé lundi aux syndicats que la mise en oeuvre d'un plan «alternatif» au projet de développement «Perform 2020», décidé après l'échec de négociations avec les navigants, induirait un sureffectif de 300 pilotes, 900 PNC (hôtesses et stewards) et 1700 personnels au sol, ont rapporté à l'AFP des représentants des salariés avant que le CCE ne soit envahi.

Ce nouveau plan fait suite à déjà 5500 suppressions de postes de 2012 à fin 2014 et des efforts de productivité des personnels.

De source aéroportuaire, 1000 à 1500 salariés manifestaient dans la matinée devant le siège, 2000 selon la CGT.

«Le plan D ? Démission de la direction» ou «Valls arbitre vendu!», pouvait-on lire sur les pancartes tenues par des salariés en uniforme. «Direction irresponsable» ou encore «ras-le-bol d'être mis les uns contre les autres», criaient certains.

Le CCE a été levé au bout d'une heure après l'intrusion de «plusieurs centaines» de manifestants aux cris de «De Juniac démission», a constaté une journaliste de l'AFP.

L'appel à la grève lancé parallèlement par trois syndicats (CGT, FO et Unsa) au niveau national, et la CFDT dans le sud, entraînait peu de perturbations. Air France devait assurer ses vols mais avec «retards probables».

Le président d'Air France Frédéric Gagey a officiellement confirmé aux représentants du personnel son projet de réduire l'activité sur son réseau long-courrier: cinq avions quitteraient la flotte long-courrier en 2016, puis neuf autres en 2017. La compagnie dispose actuellement de 107 avions sur ce réseau, actuellement déficitaire pour moitié.

Air France réduira en 2016 ses fréquences sur 22 lignes et six autres deviendront plus saisonnières. En outre, en 2017, la compagnie fermera cinq lignes, en Inde et en Asie du Sud-est.

Départs volontaires privilégiés

Les suppressions de postes se feront d'abord par des plans de départs volontaires. Mais «si jamais on n'y arrive pas, ça pourrait mener à des licenciements secs», du jamais vu à Air France, a relaté Jean-Pierre Bernasse (Unsa-aérien).

Selon M. Gagey, les licenciements restent «une possibilité sur des champs bien précis (...) où nous ne ferions pas les progrès que nous attendons en matière de productivité».

Les syndicats sont particulièrement inquiets pour les escales de Marseille et Nice.

Vendredi, la direction avait déjà esquissé en conseil d'administration les grandes lignes de ce projet, après l'échec des négociations avec les pilotes sur de nouvelles mesures de productivité. Les discussions avec les PNC n'avaient pas plus abouti.

La direction demandait au personnel navigant de voler une centaine d'heures de plus par an, à rémunération constante, et de renoncer à des jours de repos.

Les dirigeants d'Air France n'ont «jamais eu deux plans» et ont organisé «une parodie de négociation», s'est défendu Philippe Evain, le président du SNPL, syndicat majoritaire chez les pilotes, sous le feu des critiques du gouvernement.

Le ministre des Finances Michel Sapin a fustigé dimanche une «minorité» aux «visions purement individuelles». Samedi, Manuel Valls avait appelé les pilotes à la «responsabilité» et déploré une «logique jusqu'au-boutiste».

Le numéro un de la CGT Philippe Martinez a lui refusé de faire «porter la responsabilité sur les pilotes», évoquant la «déréglementation accrue du système aérien».

Si les réductions de coûts grâce au précédent plan «Transform» devraient lui permettre de renouer avec les bénéfices en 2015, la compagnie tricolore reste prise en tenaille entre la concurrence des compagnies à bas coûts en Europe et celle des compagnies du Golfe sur le long-courrier. Avec ce «plan B», elle espère retrouver des marges d'investissements.

Les négociations avec les syndicats de navigants pourraient reprendre. Le SNPL affirmait il y a quelques jours que sa porte n'était «pas fermée». Comme la direction, si les syndicats reviennent avec «une vraie volonté de discuter».