Airbus inaugure en fanfare lundi à Mobile, en Alabama, son premier site d'assemblage aux États-Unis, pré carré de son grand rival Boeing, dans l'espoir d'y accroître sa part de marché et d'augmenter sa cadence de production face à une forte demande mondiale.

Cette usine, la seconde du groupe hors de ses terres européennes après celle de Tianjin en Chine, va assembler des appareils de la famille du monocouloir A320 (A319, A320 et A321), son best-seller lancé en 1988.

Airbus espère y produire quatre avions par mois à partir de 2018, soit 40 à 50 par an.

L'assemblage du premier appareil, un A321 devant être livré mi-2016 à JetBlue, a déjà commencé.

Des pièces (cockpit et ailes notamment) ont fait une entrée triomphale à la mi-juin à Mobile, première capitale de la Louisiane à l'époque française.

Lundi, élus et acteurs économiques de cette ville portuaire, qui compte 195.000 habitants et a abrité la base aérienne de Brookley où étaient fabriqués les avions de la Seconde Guerre mondiale, ont prévu de dérouler le tapis rouge à Airbus et à ses dirigeants Tom Enders et Fabrice Brégier.

5000 avions

Le site, dont les travaux ont coûté 600 millions de dollars, va employer au départ 225 employés, recrutés dans la région. Au pic de la production, il comptera un millier de personnes, promet Airbus, qui a bénéficié de millions de dollars de subventions publiques sous la forme d'abattements fiscaux et d'aides directes.

Des salariés ont suivi des stages de perfectionnement dans des usines Airbus à Hambourg (Allemagne) et à Toulouse (France).

«Notre cadence de production sur la famille A320 augmente, donc il est important d'être présent sur le plus grand marché mondial estimé à 5000 avions dans les 20 ans à venir», explique Jacques Rocca, un porte-parole d'Airbus.

Le carnet de commandes de l'A320 est plein, ce qui contraint Airbus à viser 50 avions produits par mois d'ici à 2017, voire jusqu'à 60 pour honorer les commandes, avance Benjamin Filder, analyste chez Deutsche Bank.

En s'implantant à Mobile, Airbus espère jouir d'un argument commercial de poids auprès des compagnies américaines qui sont en train de renouveler leurs flottes. Et pourquoi pas refaire son retard sur Boeing ?

Il y a trois ans, avant l'annonce de ses projets américains, la part de marché d'Airbus aux États-Unis était de 20 %, contre 80 % à son concurrent, selon Jacques Rocca.

Mais depuis elle est passée à 40 % grâce à de grosses commandes de Delta Air Lines, American Airlines et Frontier.

Le «made in USA» a déjà payé pour Airbus Helicopters (ex-Eurocopter), qui a doublé sa part de marché aux États-Unis en l'espace de dix ans après y avoir ouvert une usine.

Grèves rares

Mobile va donner plus de flexibilité à Airbus, s'accordent les analystes.

«Airbus a besoin d'avoir davantage de coûts en dollars pour réduire les risques de change», estime Hal Chrisman, chez ICF international.

En produisant aux États-Unis c'est-à-dire en zone dollar, monnaie dans laquelle sont vendus les avions, Airbus va dépendre moins des variations de la parité euro/dollar et économiser sur ses couvertures de change.

«Mobile fait pression sur les syndicats en Europe parce que le coût de la main-d'oeuvre est moins cher en Alabama», explique Richard Aboulafia, chez Teal Group Corporation.

Ancien État ségrégationniste, l'Alabama a l'un des salaires minium les plus bas des États-Unis  - 7,25 dollars de l'heure -, offre une fiscalité souple et les grèves y sont rares.

Moins de 10 % des salariés de cet État sont syndiqués, ce qui éviterait à Airbus des retards de production et lui permettrait d'augmenter ou de réduire celle-ci si besoin est, estime le cabinet Trefis.

Airbus, qui espère décrocher des contrats militaires malgré l'échec de 2011 sur les avions ravitailleurs, ferme les yeux sur le fait qu'un avion assemblé à Mobile va revenir plus cher qu'un appareil fabriqué en Europe à cause des coûts de transport et de la parité euro/dollar actuelle.

Les pièces des avions assemblées à Mobile sont produites en Europe, d'autres (pompes à fioul et valves hydrauliques) aux États-Unis et envoyées sur le Vieux Continent avant d'être réexpédiées.