Saint-Jean-sur-Richelieu a perdu un important projet aéronautique. Discrètement, l'entreprise allemande Dornier a transféré le projet d'assemblage de l'avion amphibie Seastar en Chine.

Tout indique que le projet d'assemblage du Seastar, annoncé en grande pompe il y a cinq ans, n'atterrira pas comme prévu à Saint-Jean-sur-Richelieu.

«C'est un dossier qui n'est plus dans notre pipeline, a déclaré la porte-parole d'Investissement Québec, Chantal Corbeil. Ça fait deux ans que nous n'avons pas de contact avec l'entreprise.»

C'est en mai 2010 que Dornier avait annoncé l'implantation d'une usine d'assemblage à l'aéroport de Saint-Jean-sur-Richelieu, au cours d'une conférence de presse d'envergure organisée sur place en présence de personnalités politiques de l'époque comme le ministre québécois du Développement économique Clément Gignac et le maire de Saint-Jean Gilles Dolbec.

L'assemblage du Seastar devait nécessiter l'embauche de 250 personnes et créer 250 autres emplois chez des fournisseurs de la région. À elle seule, la petite entreprise FDC Composite était susceptible de créer 200 emplois pour la fabrication de pièces en matériaux composites.

Le gouvernement du Québec avait offert une subvention de 35 millions. Cela représentait près de la moitié de l'investissement total de 71,5 millions que nécessitait le projet.

Or, le président de Dornier, Conrado Dornier, a éprouvé de la difficulté à compléter le financement du projet. Dès décembre 2011, dans une entrevue avec La Presse Affaires, il a évoqué la possibilité de signer une entente avec des investisseurs chinois. Toutefois, ceux-ci voulaient transférer le projet en Chine et mettre la main sur la technologie.

M. Dornier n'a pas répondu aux récents courriels de La Presse. Toutefois, selon diverses sources, sa nouvelle entreprise, Dornier Seawings, a effectivement établi une coentreprise avec deux sociétés d'investissement chinoises. Les partenaires entendent établir une usine d'assemblage à Wuxi, dans la province du Jiangsu. Des spécialistes des ressources humaines et des ingénieurs sont déjà en poste.

La coentreprise effectuera également des travaux de production préliminaires à l'aéroport Oberpfaffenhoffen, à proximité de Munich, en Allemagne. On y trouvera en outre un centre de recherche et développement. Des spécialistes de la chaîne d'approvisionnement et des ingénieurs sont déjà à pied d'oeuvre.

Le premier appareil amphibie Seastar devrait prendre son envol d'ici la fin de 2016, et la production en série devrait commencer en 2017. À terme, la coentreprise prévoit produire 48 appareils par année.

Au Conseil économique du Haut-Richelieu, on a eu vent que l'usine d'assemblage se dirigeait vers la Chine, mais les dirigeants de Dornier n'en ont pas avisé formellement l'organisme (l'ancien Centre local de développement du Haut-Richelieu), qui s'était fortement impliqué dans la venue de Dornier à Saint-Jean-sur-Richelieu.

«Nous sommes en mode réactif, nous attendions de voir ce qu'ils étaient pour faire», a indiqué Sylvie Lacroix, directrice générale du Conseil économique, à La Presse Affaires.

Chez Investissement Québec, on est déçu de la tournure des événements.

«C'est certain que nous aimons bien que les projets se fassent au Québec, a déclaré Mme Corbeil. Ce dossier était compliqué. Ils voulaient plus d'aide. Ce n'était pas complet au niveau du montage financier, il fallait qu'ils trouvent des partenaires, ce qui n'a pas été fait.»

FDC Composite ne participe plus au projet, mais la petite entreprise est quand même en croissance, notamment avec une diversification dans d'autres secteurs que l'aéronautique. Le président-directeur général de FDC Composites, Jacques Cabana, s'est montré philosophe.

«Tous les préparatifs que nous avons faits pour le projet Dornier, qu'il s'agisse de production ou d'ingénierie, nous ont fait avancer comme entreprise, a-t-il déclaré à La Presse Affaires. Il y a eu des retombées indirectes liées aux argents investis.»

Le Seastar, un appareil qui pourra transporter jusqu'à 12 passagers, aura quand même des retombées au Canada. Il devrait utiliser des moteurs PT6A, fabriqués par Pratt&Whitney Canada (P&WC) en Alberta.

«Nous sommes toujours dans le portrait, nos discussions avec Dornier se poursuivent, a déclaré le porte-parole de P&WC, Marc Duchesne. Le moteur PT6 est un moteur très populaire qui serait très performant sur cet avion-là.»

Dornier a également conclu une entente avec Diamond Aircraft, entreprise qui a des installations au Canada, en Autriche et en Chine, pour la production de pièces en matériaux composites, et avec Sumitomo Precision Products Canada Aircrafts, pour la production de trains d'atterrissage.