Le nouveau président et chef de la direction de Bombardier s'active déjà à préparer les marchés pour les grandes manoeuvres financières qui se dessinent pour l'entreprise, notamment l'émission de nouvelles actions.

Alain Bellemare a discuté avec des analystes, des journalistes et même des actionnaires et des investisseurs institutionnels toute la journée jeudi, jour de l'annonce de sa nomination. Il a été tout aussi actif hier, à son premier jour aux commandes. Le successeur de Pierre Beaudoin à la tête de Bombardier avait un agenda chargé de rendez-vous avec des gens de la communauté financière montréalaise.

Le gestionnaire de portefeuille Peter Letko a reçu Alain Bellemare pendant environ 45 minutes, hier matin, dans les bureaux de Letko Brosseau au centre-ville de Montréal.

«En tant qu'actionnaire, je suis très heureux de voir une personne comme Alain arriver chez Bombardier», dit Peter Letko, qui rencontrait Alain Bellemare pour la première fois.

«Comme première impression, je dois admettre qu'il s'agit de quelqu'un de très impressionnant. Il possède une excellente formation et une grande expérience opérationnelle, mais aussi stratégique», ajoute-t-il.

La discussion avec le nouveau patron de Bombardier a surtout porté sur les opérations de financement que l'entreprise orchestrera dans les prochains mois.

Robert Spingram, de la firme Credit Suisse, dit faire confiance à Alain Bellemare, mais il tient à rappeler que les enjeux sont grands (autant dans la division Aéronautique dans celle des transports) et hautement structurels.

«Je m'attends à ce qu'Alain Bellemare réajuste les attentes déjà peu épatantes pour cette année à un niveau encore plus bas.» L'analyste croit que M. Bellemare procédera à une telle annonce dès le mois prochain à l'occasion de la journée pour les investisseurs le 11 mars, sinon au moment de la présentation des prochains résultats trimestriels le 7 mai.

Il faut par ailleurs s'attendre à ce que M. Bellemare ne perde pas de temps avant de décider de vendre certains actifs. Du moins, c'est ce que pense Nicholas Heymann, un analyste de la firme américaine William Blair, qui couvre entre autres les activités de United Technologies (l'ex-employeur d'Alain Bellemare).

«Vendre des actifs qui ne sont pas considérés comme étant au coeur de l'entreprise est précisément ce qu'Alain Bellemare a fait chez United Technologies.»

Nicholas Heymann estime qu'une fois que les habiletés et l'expérience d'Alain Bellemare dans le domaine des fusions et acquisitions auront été utilisées pour soulager Bombardier de certains actifs, son attention se tournera vers la certification et l'entrée en service des appareils de la CSeries et des Global 7000 et 8000 de façon à éviter de nouveaux délais et de nouveaux coûts additionnels.

De bons mots de l'aéronautique québécoise

Par ailleurs, plusieurs membres de l'industrie aéronautique québécoise estiment que Bombardier a fait un bon coup en allant chercher Alain Bellemare.

C'est même l'opinion d'un dirigeant syndical chez Pratt&Whitney Canada (P&WC), où M. Bellemare a dû procéder à certaines mises à pied au cours de sa présidence, entre 2002 et 2008.

«Ce n'est pas une mauvaise affaire pour Bombardier quant à moi, a déclaré Camil Larochelle, président de la section locale 510 d'Unifor chez P&WC. C'est un bon leader.»

Il a notamment souligné la vision globale de M. Bellemare. «C'est un gars qui est capable de regarder plus loin», a-t-il indiqué à La Presse Affaires.

Il a noté que, comme patron redevable aux actionnaires, il faisait les gestes qu'il devait faire dans un contexte de mondialisation. «Il n'est pas là pour créer des jobs, il est là pour diriger l'entreprise. Mais il n'est pas là non plus pour couper des jobs.»

M. Larochelle a toutefois apprécié la franchise de M. Bellemare.

«C'est un boss. Il disait ce qu'il avait à dire, mais avec une certaine écoute, se rappelle M. Larochelle. Moi, j'aime mieux faire affaire avec des gens comme ça, qui expliquent leur point.»

Jacques St-Laurent, ancien président de Bell Helicopter Textron Canada et de Montréal International, a parlé d'une bonne acquisition pour Bombardier.

«C'est un extraordinaire gestionnaire, surtout en ce qui concerne les activités manufacturières, comme les initiatives que prenait P&WC en fait d'amélioration continue et d'excellence opérationnelle, a-t-il affirmé. Nous, on s'inspirait de ça, pas seulement chez Bell, mais dans l'industrie.»

Il a noté qu'Alain Bellemare avait participé au lancement d'Aéro Montréal, la grappe aérospatiale, en 2006, avec Robert Brown, de CAE, Pierre Beaudoin, de Bombardier, et lui-même.

«Il connaît intimement le milieu grand-montréalais de l'aérospatiale», a-t-il déclaré avant de souligner les compétences de M. Bellemare en matière internationale et sa personnalité affable.

«C'est un gentleman», a déclaré M. St-Laurent.

La présidente-directrice générale d'Aéro Montréal, Suzanne Benoît, a vanté pour sa part le dynamisme de M. Bellemare, qu'elle a d'abord connu lorsqu'elle présidait Développement économique Longueuil.

«Alain Bellemare, c'est une véritable dynamo, a-t-elle lancé. C'est un travailleur acharné, très tenace.»

Les employés de Bombardier n'ont qu'à bien se tenir.

«C'est un homme fixé sur les résultats, il faut que ça avance, a affirmé Mme Benoît. Il faut que les équipes restent motivées pour travailler avec lui parce qu'il est tellement passionné, il a tellement d'énergie.»

À son avis, le retour de M. Bellemare sera inspirant pour les gens de l'industrie aéronautique québécoise.