Parmi les mesures annoncées hier par Bombardier, celles visant à prévenir une fragilisation accrue de ses capacités financières ont à la fois étonné mais aussi rassuré un peu les investisseurs et les analystes.

En fait, pour contrer le risque d'une pénurie de fonds dès les prochains trimestres, Bombardier a enclenché des manoeuvres financières qui, si elles se déroulent comme souhaité, mobiliseraient quelque 2,2 milliards US dans ses prochains états financiers.

Dans l'immédiat, l'interruption du dividende trimestriel versé à ses actionnaires signifie une économie d'au moins 182 millions US à ses prochains résultats annuels.

Devrait suivre une émission d'actions que la direction de Bombardier souhaite à hauteur de 600 millions US.

Mais l'ampleur de l'émission s'annonce telle par rapport au capital-actions courant qu'elle devra recevoir l'aval des deux tiers (66%) des votes d'actionnaires à une assemblée extraordinaire, le 27 mars.

Enfin, Bombardier souhaite recueillir au moins 1,5 milliard US en fonds provenant de nouveaux emprunts ou d'émissions d'obligations corporatives. Mais à quel coût et à quelles conditions? Déjà que sa cote de crédit s'inscrit au niveau peu enviable des obligations corporatives à risque auprès des principales agences de notation.

Il y a un mois à peine, en annonçant une baisse de la cote de Bombardier, l'agence Standard&Poor's avait averti qu'elle pourrait décider d'une autre «mesure négative» si l'entreprise risquait de subir d'autres «pressions de liquidités résultant d'une détérioration de ses capacités financières».

À la lecture des états financiers de fin d'année et des projections budgétaires, tout indique que le conseil d'administration de Bombardier a dû se résoudre à de grandes manoeuvres de sauvegarde financière pour corriger la situation. Les voici expliquées:

Suspension du dividende

Nombre d'analystes boursiers s'y attendaient, mais ils se doutaient aussi de la résistance des administrateurs de Bombardier, en particulier les actionnaires de contrôle des familles Bombardier et Beaudoin, à réduire, sinon interrompre, la principale source de rendement au comptant de leur avoir en actions de Bombardier. Face au risque d'une pénurie de liquidités à l'horizon, le conseil d'administration de Bombardier a décidé d'interrompre le dividende trimestriel versé sur ces actions. Il équivalait à quelque 200 millions CAN par an parmi ses actionnaires.

Émission d'actions

Pour parer au risque de pénurie de liquidités, Bombardier prépare une émission d'actions qui, espère-t-elle, devrait lui permettre de recueillir 600 millions en capitaux frais. Mais pour les actionnaires courants de Bombardier, qui souffrent déjà de la forte dépréciation de leurs titres en Bourse, une émission d'une telle ampleur n'est pas du meilleur augure.

Émission de titres de dette

Pour parer au risque d'une pénurie de liquidités, Bombardier a décidé de retourner sur le marché des titres de dette afin, souhaite-t-elle, d'en recueillir pour 1,5 milliard US en «nouveaux capitaux d'emprunt».

De l'avis d'analystes financiers, l'obtention de ce crédit additionnel pourrait coûter cher à Bombardier. En termes d'escompte à consentir sur le prix d'achat des titres de dette, mais aussi en taux d'intérêt plus élevé. Dans ses récentes émissions d'obligations à long terme, Bombardier a dû consentir à un taux d'intérêt déjà rehaussé jusqu'à 7,7%.

À propos de la consolidation

Bombardier a laissé savoir hier que l'entreprise souhaitait participer à la consolidation dans le secteur du transport avec l'objectif de réduire son niveau d'endettement. Explications.

Qu'est-ce que Bombardier a dit exactement?

Dans son communiqué, l'entreprise a indiqué que, pour compléter son plan de financement, elle étudiera plusieurs mesures, dont la possibilité que certaines activités d'affaires participent au regroupement qui s'opère au sein de l'industrie, afin de réduire sa dette. Durant la conférence téléphonique, Pierre Beaudoin a indiqué que ça ne voulait pas nécessairement dire vendre des actifs, mais plutôt «positionner la compagnie pour le futur».

Qu'est-ce que Bombardier a vendu dans le passé?

Le mois dernier, Bombardier a vendu ses activités de formation dans le secteur de l'aviation militaire à CAE pour 19,8 millions. En septembre 2013, Bombardier a cédé Flexjet, spécialisée dans la multipropriété d'avions et le courtage de vols nolisés, à Directional Aviation Capital pour 5,2 milliards. En 2003, Bombardier a vendu, pour 1 milliard de dollars, sa division de produits récréatifs (BRP) à des membres de la famille Beaudoin, Bain Capital et la Caisse de dépôt et placement.

Qu'est-ce que Bombardier pourrait encore vendre?

Des analystes et observateurs ont mentionné hier et dans le passé que Bombardier pourrait se délester, par exemple, de sa division Transport, des jets régionaux, de sa famille d'avions d'affaires Learjet, d'autres unités ou même d'une participation dans la CSeries. Pierre Beaudoin a d'ailleurs évoqué cette dernière idée pour avoir un accès à un marché d'importance comme la Chine, par exemple.

Quelle est la dernière rumeur?

Une station de télévision affiliée au réseau ABC à Wichita, au Kansas, où Bombardier exploite des installations, a rapporté mardi que l'entreprise avait reçu, pour sa famille d'avions d'affaires Learjet, des offres de Textron (qui exploite notamment les marques Cessna et Beechcraft ainsi que l'unité d'affaires Bell Helicopter) et de l'avionneur brésilien Embraer. Questionné à ce sujet hier durant la conférence téléphonique, Pierre Beaudoin a répondu que l'entreprise ne planifiait pas une telle vente.

Quelles sont les possibilités qui pourraient être envisagées pour la division Transport?

Une vente complète, la vente d'une participation seulement ou une inscription indépendante en Bourse (essaimage).

Qu'est-ce que la division Transport apporte aujourd'hui à Bombardier?

Assurément une certaine stabilité qui permet de contrecarrer le côté cyclique des activités de la division Aéronautique.

Quelle valeur pour la division Transport?

L'action de Bombardier a rapidement cédé un peu plus de 15%, hier matin, pour glisser à 2,50$ avant de reprendre un peu de vigueur et clôturer la séance en recul de 10%, à 2,75$, à Toronto.

En début de journée, l'analyste Benoît Poirier, chez Desjardins, a fait parvenir une note à ses clients pour les aider à bien saisir l'impact des différentes annonces faites par Bombardier et mieux évaluer le titre. «Compte tenu de l'importante volatilité à prévoir en Bourse, je suggère d'utiliser 2,78$ par action comme valeur de base pour acheter le titre de Bombardier», a-t-il notamment indiqué.

L'année dernière, plusieurs analystes avaient tenté d'évaluer la division Transport de Bombardier, alors que des rumeurs circulaient au sujet de l'intérêt de GE pour des actifs appartenant à Alstom. Turan Quettawala, de la Scotia, accordait une valeur de 2,75$ par action à Bombardier Transport alors que Walter Spracklin, chez RBC, estimait que la filiale valait plutôt environ 3,80$ par action. Il y a deux ans, Fadi Chamoun, de la BMO, estimait que la division Transport de Bombardier pouvait valoir jusqu'à 3,50$ par action.