Le nouveau président et chef de la direction de Bombardier, Alain Bellemare, aura pour tâche de remettre l'entreprise sur la piste, à commencer par le programme de la CSeries.

M. Bellemare entre en fonction ce matin. Il remplace Pierre Beaudoin, qui assume dorénavant le poste de président du conseil d'administration à la place de son père Laurent.

Pierre Beaudoin supervisera notamment le nouveau plan de financement de Bombardier, qui comprend une émission d'actions de 600 millions US, des emprunts pouvant aller jusqu'à 1,5 milliard US et la possibilité de partenariats et de ventes d'éléments de l'entreprise.

M. Bellemare arrive en selle alors que Bombardier affiche une perte nette de 1,2 milliard US pour l'exercice 2014, en raison notamment d'une charge de 1,4 milliard US liée à la suspension du programme d'avion d'affaires Learjet 85. Cette suspension permet à Bombardier de se consacrer au programme de la CSeries, dont les coûts ont explosé, et au programme d'avions d'affaires de luxe Global 7000 et 8000.

Explosion d'un moteur

Jusqu'à tout récemment, M. Bellemare était président de la division des moteurs et des systèmes aéronautiques de United Technologies Corporation (UTC), aux États-Unis. C'est l'explosion d'un moteur fabriqué par Pratt&Whitney, filiale d'UTC, qui a cloué la CSeries au sol pendant cinq mois et qui a contribué à la hausse des frais de développement du programme.

M. Bellemare n'a pas abordé spécifiquement cet aspect, hier matin, au cours d'une conférence téléphonique organisée par Bombardier pour commenter les résultats de l'entreprise pour l'exercice 2014 et discuter des profonds changements à la direction. M. Bellemare a toutefois exposé ses grands objectifs.

Un joyau

«Bombardier est un joyau au Québec et au Canada, c'est un moteur économique, a déclaré M. Bellemare. Elle exporte des produits à travers le monde. Mon objectif est de prendre les bonnes décisions pour qu'elle soit encore ici pour les 50 ou les 100 prochaines années. Nous allons prendre les bonnes décisions pour les clients, les actionnaires et les employés pour le court, le moyen et le long terme.»

Il a reconnu que Bombardier avait des difficultés avec certains produits.

«Ce sont des choses qui arrivent, et vous passez au travers, a-t-il déclaré. Oui, il y a des défis à court terme, mais, dans la plupart des cas, il s'agit de problèmes en fait d'exécution des programmes. Nous pouvons travailler là-dessus très rapidement.»

Interrogé au sujet d'éventuelles réductions des effectifs, il a affirmé que son objectif principal n'était pas de procéder à des mises à pied. «Mon objectif principal est de m'assurer du succès de la compagnie à long terme.»

Il a ajouté qu'il s'intéressait à l'aspect technologique de la division ferroviaire.

«J'ai mis tout cela ensemble et après discussions, j'ai conclu que c'était une bonne décision de revenir à Montréal», a indiqué M. Bellemare.

Pierre Beaudoin tout près

L'ancien président de Bombardier, Pierre Beaudoin, ne sera pas bien loin. À titre de président du conseil d'administration, il conservera un rôle important en ce qui concerne la direction stratégique de l'entreprise, les fusions et acquisitions et le financement. Il entend également appuyer M. Bellemare.

«C'est un poste à plein temps, a affirmé M. Beaudoin. Mon plan est de mettre toute mon énergie dans Bombardier, à appuyer Alain et nos employés pour livrer les programmes que nous avons devant nous.»

Il a toutefois précisé qu'il n'allait pas empiéter sur les responsabilités de M. Bellemare. «Alain a le mandat de président et chef de la direction, il n'y a pas de coprésident et cochef de la direction», a-t-il lancé.

M. Beaudoin a soutenu que son départ n'avait pas été précipité par des pressions externes. Il a plutôt affirmé qu'il avait élaboré cette idée en constatant la disponibilité de M. Bellemare.

Alain Bellemare a décidé de quitter UTC à la mi-janvier, après 18 ans au sein de l'entreprise.

«Je l'ai approché après l'annonce de son départ, a raconté M. Beaudoin. Je le connais depuis des années et des années, c'est un excellent dirigeant, il comprend très bien l'aéronautique, il comprend très bien le secteur manufacturier et il a une réputation de grand exécutant. J'ai vu une occasion pour Bombardier.»

Laurent Beaudoin reste aussi

L'ancien président du conseil d'administration de Bombardier, Laurent Beaudoin, ne sera pas bien loin lui non plus. Il demeurera au sein du conseil d'administration avec le titre honorifique de président émérite.

«Il a bâti cette entreprise au cours des 50 dernières années, une entreprise extraordinaire avec 74 000 employés qui a des ventes dans 60 pays, a commenté son fils Pierre. Vous comprendrez qu'après tant d'années, il a droit à une pause.»

Attentes élevées envers le nouveau président

Sous la présidence d'Alain Bellemare, le chiffre d'affaires de Pratt&Whitney Canada (P&WC) a doublé. Chez United Technologie Corporation (UTC), M. Bellemare a joué un rôle crucial dans l'intégration du manufacturier de trains d'atterrissage Goodrich.

Les attentes sont donc élevées chez Bombardier.

Pour M. Bellemare, il s'agit d'un retour à Montréal après six ans aux États-Unis.

Alain Bellemare a obtenu un baccalauréat en génie mécanique à l'Université de Sherbrooke en 1984 et s'est spécialisé en génie aéronautique à Toulouse. Il a ajouté à son curriculum vitae un MBA de l'Université McGill en 1993.

Il s'est joint à P&WC en 1996. Au sein du motoriste et de sa société mère, UTC, il a suivi les traces d'un autre grand Québécois, Louis Chênevert.

C'est ainsi que M. Bellemare a occupé la présidence de P&WC de 2002 à 2008, après le départ de M. Chênevert pour le siège social d'UTC. Pendant cette période, M. Bellemare a mis en marche le Centre aéronautique de P&WC à Mirabel, un complexe qui combine des activités d'essais en vol de P&WC et de sa société mère Pratt&Whitney et la fabrication du moteur de la CSeries.

M. Bellemare avait indiqué à l'époque qu'il n'avait pas été facile de convaincre Pratt&Whitney de regrouper ces activités à Mirabel. L'entreprise américaine avait été bien près de consolider les essais en vol à Plattsburgh et de faire assembler le moteur de la CSeries ailleurs aux États-Unis.

M. Bellemare était allé chercher un financement de 141,9 millions auprès du gouvernement du Québec pour ce projet, qui devait se traduire par la création de 300 emplois à Mirabel.

M. Bellemare a poursuivi son parcours au sein d'UTC en prenant la direction de Hamilton Sundstrand, filiale spécialisée dans les systèmes aéronautiques, en 2008.

En 2012, Louis Chênevert, alors président et chef de la direction d'UTC, lui a confié la direction d'UC Propulsion et systèmes aérospatiaux, avec le mandat d'intégrer Goodrich, une acquisition de 16 milliards US.

En novembre dernier, Louis Chênevert, 57 ans, a créé la surprise en démissionnant de son poste à la tête d'UTC. La multinationale a aussitôt nommé un nouveau président et chef de la direction, Gregory Hayes, qui était alors vice-président et chef de la direction financière.

Moins de deux mois plus tard, Alain Bellemare a annoncé son propre départ d'UTC.