Aux prises avec d'importantes difficultés au sein de sa division aéronautique, Bombardier (t.bbd.b)  a annoncé jeudi des changements majeurs, dont un autre remaniement de personnel parmi ses plus hauts dirigeants.

Le président du conseil d'administration, Laurent Beaudoin  - membre de la famille qui contrôle l'entreprise québécoise - sera remplacé par son fils, Pierre, qui quitte du même coup ses fonctions de président et chef de la direction après un règne de six ans et demi.

Il sera remplacé dès vendredi par Alain Bellemare, un ex-haut dirigeant chez United Technologies Corp. (UTC), qui venait de quitter la multinationale le 15 janvier dernier.

«Nous devons assurer la santé financière de la société à long terme, a dit l'homme de 53 ans, jeudi, au cours d'une conférence téléphonique. Bombardier est un trésor pour le Québec et le Canada.»

Cet autre changement chez Bombardier a de nouveau fait plonger le cours de l'action, qui a cédé 35 cents, soit 11,5 %, pour clôturer à 2,69 $ à la Bourse de Toronto.

M. Bellemare a passé 18 ans chez UTC, entre autres au sein de sa filiale Pratt & Whitney, qui fabrique notamment le moteur du nouvel avion CSeries de Bombardier.

S'il a reconnu qu'il y avait des «problèmes d'exécution» au sein de certains programmes, le nouveau PDG a néanmoins dressé un portrait positif de l'ensemble des activités de Bombardier.

«Dans le reste de l'entreprise, plusieurs choses fonctionnent extrêmement bien, a dit M. Bellemare. Les avions d'affaires par exemple. Nous avons aussi une position privilégiée du côté des trains.»

M. Bellemare, qui a empoché 6,3 millions $ US chez UTC en 2013, sera le troisième patron de Bombardier à ne pas être issu de la famille qui contrôle l'entreprise.

Questionné par les journalistes, Pierre Beaudoin n'a pas voulu dire depuis quand il songeait à quitter ses fonctions, se contentant de dire qu'il avait contacté M. Bellemare après son départ chez UTC.

«C'est vraiment relié à cette occasion, a-t-il dit. Cela n'a rien à voir avec des pressions extérieures.»

Plusieurs analystes et investisseurs ont récemment remis en question les décisions de la haute direction de Bombardier, surtout depuis la suspension du programme du Learjet 85, le mois dernier, ce qui s'est traduit par le licenciement de 1000 employés.

De plus, les coûts du programme du nouvel avion commercial CSeries ont encore grimpé pour atteindre 5,4 milliards $ US, par rapport à 4,23 milliards $ US, puisque les essais en vol ont été interrompus pendant plus de trois mois en raison de l'explosion d'un moteur.

L'agence de notation de crédit Moody's a réagi à ces développements en décrétant une décote de la dette de Bombardier. Elle dit agir de la sorte en raison de «l'endettement accru ainsi que des défis actuels» auxquels la direction de l'entreprise est confrontée.

Dans l'ensemble, les analystes ont toutefois accueilli favorablement ce changement de garde à la tête de Bombardier.

«Nous croyons que cela sera positif en raison du manque de confiance des analystes à l'endroit de la direction actuelle et du parcours solide de M. Bellemare», a écrit Benoit Poirier, de Desjardins Marchés des capitaux, dans un rapport.

M. Beaudoin s'occupera des dossiers du financement et des acquisitions, ce qui ne l'empêchera pas de travailler avec M. Bellemare. Laurent Beaudoin restera au conseil d'administration avec le titre de président émérite.

Par ailleurs, Bombardier suspendra également son dividende pour ses actions de catégories A et B. La société aura aussi recours aux marchés financiers pour obtenir jusqu'à 1,5 milliard $ en capitaux en plus d'émettre des actions pour environ 600 millions $.

L'entreprise tentera également de réduire sa dette en évaluant la possibilité que certains de ses actifs participent à une consolidation de l'industrie.

«Ça ne veut pas dire qu'il y a des actifs à vendre, a dit M. Beaudoin, qui a fourni peu de détails sur cette question. C'est notre rôle de regarder certains secteurs et se demander si nous pourrions être mieux positionnés.»

Pour le quatrième trimestre terminé le 31 décembre, l'entreprise a dévoilé une perte nette de 1,6 milliard $, ou 92 cents par action, par rapport à un profit de 97 millions $ ou cinq cents par action, à la même période l'an dernier.

Sur une base ajustée, en excluant les éléments non récurrents, la perte trimestrielle se chiffre à 83 millions $, ou quatre cents par action, contre 129 millions $, ou sept cents par action, un an plus tôt.

Les revenus ont totalisé 6 milliards $ pour le trimestre, contre 5,3 milliards $ pour le trimestre correspondant de l'exercice précédent.

Pour l'exercice, Bombardier annonce une perte nette de 1,25 milliard $ ou 74 cents par action, après avoir engrangé un profit de 572 millions $, ou 31 cents par action un an plus tôt.

«Je ne suis pas satisfait de la performance de la compagnie et j'ai pris les mesures nécessaires pour améliorer nos résultats à l'avenir», a observé M. Beaudoin.

Le bénéfice ajusté s'est chiffré à 648 millions $, ou 35 cents par action, comparativement à 608 millions $, ou 33 cents pour l'exercice précédent.

De leur côté, les recettes ont totalisé 20,1 milliards $, une hausse de 10,8 % compte non tenu de l'incidence des taux de change, contre 18,2 milliards $ l'exercice précédent.

Pierre Beaudoin