La suspension du programme d'avion d'affaires Learjet 85 prouve que Bombardier n'est pas une entreprise en santé. Ses finances sont plombées par la CSeries.

C'est du moins l'opinion que l'analyste Richard Aboulafia, de la firme américaine Teal Group, présente dans sa lettre mensuelle.

«Comme la CSeries continue à nécessiter d'importants investissements, le Lear 85 devait mourir, écrit M. Aboulafia. Ce dernier programme a connu beaucoup de difficultés, mais même si ça n'avait pas été le cas, il est probable qu'il aurait quand même dû être éliminé.»

Il soutient que l'entreprise doit économiser où elle le peut, ce que montre sa décision, cette semaine, de vendre sa division de formation militaire à CAE.

«Le Learjet 85 est mort»

L'analyste s'en prend à la justification de Bombardier, qu'il qualifie d'«énorme», pour suspendre le programme Learjet 85. «Ils blâment la faiblesse du marché alors que ce marché est justement en train de se replacer», écrit-il.

Il dénonce l'utilisation du mot «pause» pour décrire le statut du programme.

«Vous ne mettez pas à pied 1000 personnes et vous n'inscrivez pas une charge de 1,4 milliard de dollars pour une pause, soutient-il. Le 85 est manifestement mort.»

Il note que plusieurs programmes d'avions d'affaires en composite ont été des désastres, que le programme Learjet 85 a connu des délais et des dépassements de coûts et que les capacités de cet appareil s'approchent de celles d'un autre appareil de Bombardier, le Challenger 300, ce qui ne le rend pas irremplaçable.

«Mais les entreprises en santé n'éliminent pas des programmes qui sont avancés à ce point, écrit M. Aboulafia. Ce qui montre que Bombardier n'est pas une entreprise en santé.»

Il observe que les liquidités de Bombardier ont chuté de 4,8 milliards US au quatrième trimestre de 2013 à 3,3 milliards US au troisième trimestre de 2014. Il ajoute que l'entreprise doit rembourser une partie de sa dette en 2016, soit un paiement de 750 millions en février et un autre paiement de 900 millions un peu plus tard dans l'année.

«Bombardier devra retourner sur les marchés des capitaux en 2016, ou peut-être avant», souligne-t-il.

L'analyste soutient que la situation financière serrée de Bombardier lui a nui sur le marché des avions d'affaires. C'est ainsi que l'entreprise n'aurait pas répliqué assez rapidement à l'avion de très grand luxe G650 de Gulfstream. Bombardier a lancé depuis les Global 7000 et 8000, mais ils n'entreront pas en service avant quelques années, laissant le G650 seul sur le marché pendant un certain temps. Gulfstream est redevenu le plus grand manufacturier d'avions d'affaires en 2013, ravissant la première place à Bombardier. Le manufacturier américain est également en tête pour les trois premiers trimestres de 2014.

«Bombardier ne reviendra probablement plus en première position», prédit M. Aboulafia.

Il soutient que le «pari chimérique de la CSeries» a tourné à l'avantage de Gulfstream, mais aussi d'autres concurrents de Bombardier comme Embraer et ATR dans le domaine de l'aviation régionale.

Jusqu'ici, plusieurs analystes se sont montrés préoccupés par la situation financière de Bombardier et le processus de décision au sein de la direction.

L'analyste Kevin Chang, de Marchés mondiaux CIBC, a soutenu que la décision de suspendre le programme Learjet 85 remettait en question la capacité de la société à mettre en oeuvre sa stratégie à plus long terme.

Benoît Poirier, de Valeurs mobilières Desjardins, estime toutefois que la suspension du Learjet 85 était la bonne décision à prendre. Cameron Doerksen, de la Financière Banque Nationale, croit de son côté que le Learjet 85 pourrait revivre, une fois les programmes CSeries et Global 7000 et 8000 complétés.