Pour accélérer la construction d'infrastructures modernes dont le Québec a besoin sans alourdir la dette publique, le gouvernement va confier à la Caisse de dépôt et placement la construction et l'exploitation de certaines infrastructures, notamment dans le domaine des transports en commun.

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Deux projets sont ciblés à court terme: le système léger sur rail du nouveau pont Champlain (ou un autre système pour le même axe) et un système de transport collectif pour l'ouest de l'île de Montréal, incluant la desserte de l'aéroport Trudeau à Dorval. Des projets totalisant 5 milliards de dollars que la Caisse espère mettre en circulation aussi tôt qu'en 2020.

«Cette entente commerciale offre une occasion unique d'accélérer la réalisation d'importants projets», a dit le premier ministre Philippe Couillard au cours de la conférence de presse qui s'est déroulée dans l'atrium du centre administratif de la Caisse de dépôt, à Montréal. «Grâce à ce modèle d'affaires, a-t-il expliqué, le gouvernement pourra dégager des sommes importantes et réaliser d'autres projets d'infrastructures qui, autrement, auraient été reportés ou même non réalisés, partout au Québec.»

La Caisse est active depuis 15 ans dans les infrastructures à titre de financier ou de partenaire minoritaire. Elle détient 10 milliards de dollars de ce type d'actif, à Vancouver, à Londres, à Brisbane et ailleurs dans le monde.

«Pourquoi ne pas mettre notre expertise en infrastructures au service du Québec?», se demandait publiquement Michael Sabia, le patron de la Caisse. Il a obtenu sa réponse hier.

Pour le gouvernement, l'intérêt de l'entente est principalement financier. Selon le modèle conventionnel, le gouvernement se serait adressé à son ministère des Transports pour réaliser les infrastructures publiques de transport. La facture aurait été payée par le gouvernement, qui aurait ajouté le montant à la dette de la province.

À la place, Québec donne le mandat à la Caisse de dépôt de construire à ses frais et d'exploiter de nouvelles infrastructures qui resteront la propriété d'une filiale de la Caisse à être créée, CDPQ Infra.

Selon l'entente dévoilée hier, le gouvernement pourra néanmoins financer une partie du projet sous forme de participation au capital-actions de l'entité chapeautant chacun des projets.

Avec la création de CDPQ Infra, la Caisse reprend la recette qui a fait le succès de sa filiale immobilière Ivanhoé Cambridge, filiale autonome faisant du développement et de l'exploitation d'immeubles.

Des modifications à la Loi sur la Caisse

Pour que le partenariat public-privé (PPP) nouveau genre puisse se réaliser, la loi constitutive de la Caisse de dépôt devra être modifiée par le Parlement.

«Je demande à tous les députés de l'Assemblée nationale leur collaboration afin d'adopter rapidement les changements législatifs nécessaires», a d'ailleurs exhorté le maire de Montréal, Denis Coderre, dans son allocution.

L'entente prévoit divers mécanismes pour s'assurer de la probité du processus. Par exemple, un expert financier indépendant devra attester que le rendement que la Caisse tire de ces infrastructures est conforme aux normes du marché, ni supérieur ni inférieur.

Des dispositions encadreront aussi le processus d'appels d'offres de façon à favoriser le maximum de concurrence. De plus, un vérificateur indépendant validera l'intégrité du processus d'appels d'offres.

Fort de l'expérience qu'elle va acquérir au Québec, la Caisse entend, dans un deuxième temps, offrir ses services comme bâtisseur et exploitant d'infrastructures partout sur la planète.

«Chaque fois que vous allez monter à bord d'un système de transport géré par la Caisse, vous serez en train de consolider votre retraite, dit Michael Sabia. Tous ressortent gagnants. Les Québécois pourront développer en accéléré les infrastructures dont ils ont besoin urgemment aujourd'hui tout en préparant leur retraite de demain. Un cercle vertueux.»

«Nous pouvons tous nous réjouir que la Caisse puisse mettre au profit du Québec et de ses déposants son expertise dans le développement et l'exploitation de telles infrastructures, affirme pour sa part Carlos Leitao, ministre des Finances. Le Québec va pouvoir bénéficier du savoir-faire de la Caisse acquis dans des projets similaires ailleurs dans le monde.»

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QUI FAIT QUOI DANS L'ENTENTE

Le gouvernement conserve la responsabilité de cibler les infrastructures à confier à la Caisse et il définit leurs objectifs et paramètres.

Si la Caisse juge les projets intéressants, elle soumet des solutions au gouvernement.

Le gouvernement validera les solutions proposées par la Caisse. C'est lui qui prend la décision définitive d'aller de l'avant avec l'un ou l'autre des scénarios.

La Caisse assumera la planification, le financement, la mise en oeuvre et l'exploitation de l'infrastructure par le truchement d'une nouvelle filiale, CDPQ Infra. Celle-ci coordonnera les appels d'offres.

COMMENT LA CAISSE VA-T-ELLE FAIRE SON ARGENT?

La Caisse n'investira que dans des projets rentables pour ses déposants, a répété plus d'une fois Michael Sabia, hier. Comment fera-t-elle de l'argent avec les transports collectifs, sachant que les lignes de trains de banlieue à Montréal se financent au mieux à 50%?

La tarification relève de la Caisse. Elle devra définir un cadre tarifaire à long terme au cours de la phase de planification et le soumettre au gouvernement. En réponse à une question de La Presse, M. Sabia n'a pas exclu que le gouvernement finance une portion des dépenses d'exploitation du système de transports collectifs comme il le fait actuellement.

Pour réduire le coût du projet, le gouvernement pourrait financer en partie la construction du projet par le moyen d'actions sans droit de vote. La Caisse pourrait aussi avoir recours à la captation de la plus-value foncière.

QU'EST-CE QUE LA CAPTATION DE LA PLUS-VALUE FONCIÈRE?

Dans le cadre de deux projets ciblés, le gouvernement vendra les terrains requis pour la construction de l'infrastructure à la Caisse de dépôt à leur juste valeur marchande. Il s'engage à faire les expropriations nécessaires.

La captation de la plus-value foncière consiste à bénéficier des projets immobiliers qui seront érigés sur l'emprise des terrains afin de réduire les coûts du projet.