Un haut fonctionnaire à la retraite propose au gouvernement fédéral de briser le bail avec Aéroports de Montréal (ADM) et de revendre Mirabel à un exploitant concurrent.

À titre de vice-président exécutif de la Société immobilière du Canada (Mirabel), Pierre Brien a été le négociateur principal des dossiers de Bell Helicopter, Naya et GLC Canada sur les terrains de l'aéroport au début des années 1980.

Deux aéroports en concurrence, c'est la situation à Toronto où l'aéroport Billy-Bishop est exploité indépendamment de l'aéroport Pearson.

Pour M. Brien, 70 ans, Dorval est un échec monumental, mais il est encore temps de réparer l'erreur qui été commise en 1996 avec le transfert des vols réguliers de passagers.

«Si ADM n'a jamais été capable de ne rien faire avec Mirabel, qu'il sorte de là, dit M. Brien. Le gouvernement canadien a le droit d'exiger que ses actifs servent à quelque chose. Qu'il le vende au privé. Le pire qui puisse arriver, c'est qu'il s'y crée des jobs et que des taxes soient payées.»

Plan d'affaires ambitieux

Résumé dans un document au titre pompeux, «La renaissance de Mirabel, numéro 1 mondial», le plan d'affaires de M. Brien prévoit l'acquisition des installations par un consortium international privé dans le cadre d'une libéralisation complète des vols (open sky sans restriction).

Grâce à une grille tarifaire concurrentielle, Mirabel serait en mesure, prévoit M. Brien dans ses projections, d'établir des liaisons avec pas moins de neuf pays d'Asie, dix pays européens, trois pays scandinaves et cinq pays sud-américains.

«Les Asiatiques ont un marché dans l'est de l'Amérique du Nord. Ce sont des pays populeux et ils veulent tous visiter le Canada», dit-il pour justifier pareil déploiement.

Emplacement de choix

Selon M. Brien, Mirabel reste l'aéroport le mieux placé en Amérique du Nord pour desservir à la fois l'Europe et l'Asie, en passant par le pôle Nord. «C'est aussi rapide que de partir de Vancouver, à 15 minutes près», soutient-il.

Tant que l'aéroport sera à Dorval, une aérogare difficile d'accès, bruyante, enclavée, restreinte dans ses possibilités d'expansion, il restera difficile pour Montréal d'y développer des liens aériens directs vers l'Asie, est-il persuadé.

Le couvre-feu en vigueur et le manque d'espace décourageront toujours un transporteur aérien de choisir Dorval comme plaque tournante pour l'est de l'Amérique du Nord, avance-t-il. «S'il y a de la place à Dorval, pourquoi n'y entre-t-on pas les avions-cargo?», demande M. Brien.

Dans le scénario élaboré par celui-ci, les transporteurs étrangers et de grandes caisses de retraite du Canada seraient invités à intégrer le consortium privé devant être doté d'un capital de 2,5 milliards.

Les besoins en immobilisations sont évalués à 1 milliard, soit la moitié de la somme dépensée à Dorval depuis près de 20 ans. M. Brien prévoit 85 millions pour prolonger l'autoroute 13.

M. Brien sait pertinemment qu'il faudra une volonté politique pour donner le feu vert à son projet. Il souhaite que le gouvernement canadien fasse pression auprès d'ADM pour suspendre la démolition de l'aérogare et lance une étude de faisabilité au sujet de la privatisation de Mirabel dans le cadre d'un projet-pilote.

Pierre Brien est prêt à défendre sur les tribunes le bien-fondé de son idée pour l'économie québécoise.

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ÇA N'A AUCUN SENS

La proposition de Pierre Brien n'a pas de sens aux yeux de James Cherry, PDG d'ADM. «Dans une ville de la taille de Montréal, c'est impossible d'exploiter de façon rentable deux aéroports majeurs », dit-il, dans un entretien. Les experts consultés sur le sujet ont également paru très sceptiques. Jacques Roy, professeur de HEC Montréal et expert respecté en aviation civile au Canada, verrait à la rigueur l'établissement d'un aéroport bon marché à Mirabel qui permettrait à la région de récupérer la clientèle québécoise qui s'envole de Burlington et de Plattsburgh.