Le lobby du patronat américain a estimé vendredi que le décret pris par la France pour encadrer le rachat d'entreprises stratégiques comme Alstom relevait en partie du «protectionnisme» et n'améliorait pas la «compétitivité» du pays.

«Il n'y a rien dans les motivations du récent décret français (...) qui n'est pas explicitement un mélange de politique industrielle et de protectionnisme», a indiqué à l'AFP Sean Heather, un des directeurs exécutifs de la Chambre de commerce américaine, qui représente plus de 3 millions d'entreprises.

La France a étendu jeudi notamment à l'énergie et aux transports le mécanisme de protection des entreprises stratégiques contre les appétits étrangers, faisant du gouvernement l'arbitre des négociations entre Alstom et les prétendants à un rachat partiel du groupe, dont l'Américain General Electric.

Concrètement, les investissements étrangers dans les secteurs protégés seront désormais soumis à l'approbation préalable du ministre de l'Économie.

Selon la Chambre de Commerce américaine, ce décret «ne fait rien pour améliorer la compétitivité» française, a assuré M. Heather dans son courriel.

Un tel mécanisme n'existe pas aux États-Unis, mais l'administration peut toutefois intervenir lorsque des actifs liés à la «sécurité nationale» et à des «infrastructures cruciales» sont convoités par une entreprise étrangère.

Dans cette hypothèse, les offres de rachat sont examinées par le Comité sur l'investissement étranger aux États-Unis (CFIUS), qui regroupe notamment des représentants du Trésor, du département d'État de la Défense et du renseignement intérieur.

À l'issue d'un examen qui peut durer jusqu'à 75 jours, cet organe peut approuver la transaction, demander des aménagements ou - cas extrême - recommander au président des États-Unis de l'interdire purement et simplement.

En septembre 2012, Barack Obama a ainsi bloqué l'achat par des entreprises chinoises de fermes éoliennes de l'Oregon, dans le nord-ouest du pays, au motif qu'elles étaient situées près d'une base militaire américaine.

Sans aller jusqu'au veto présidentiel, qui n'avait plus été activé depuis 1990, les pressions politiques du Congrès ont parfois conduit à l'abandon d'offres de rachat aux États-Unis, notamment celles émanant d'investisseurs chinois.

GE accueille bien le décret 

General Electric est toujours intéressé par une reprise du pôle énergie d'Alstom, après l'entrée en vigueur du décret de contrôle élargi des investissements étrangers en France, bien accueilli par le conglomérat américain, a indiqué une source gouvernementale à l'issue d'une rencontre au ministère de l'Économie.

«Non seulement GE a dit qu'il était toujours acheteur, mais le gouvernement est toujours disponible pour négocier, comme il l'avait écrit à Jeffrey Immelt», le patron du groupe américain, a dit cette source à l'AFP.

Ce dispositif intervient alors que l'américain General Electric et l'allemand Siemens cherchent à reprendre la majeure partie des actifs du groupe industriel français Alstom dans l'énergie, un dossier dans lequel l'État cherche à faire pression.

«Ce décret a été assez bien interprété. Les Américains comprennent cette démarche: elle leur est familière», un tel mécanisme existant outre-Atlantique, a ajouté la source, au terme d'une rencontre dans l'après-midi entre le ministre de l'Économie, Arnaud Montebourg, et des dirigeants de GE.

«C'était très bien que GE et le gouvernement se retrouvent», a-t-elle poursuivi. «Ce n'était pas une réunion de négociation: c'était un échange».

Une rencontre était aussi programmée vendredi après-midi entre le gouvernement et l'allemand Siemens, qui lorgne également sur les activités énergie d'Alstom.

GE et Siemens n'étaient pas disponibles pour un commentaire.

«Les équipes travaillent. Les discussions continuent de part et d'autre, avec GE et Siemens», selon la source gouvernementale.

Le fabricant de TGV et de turbines électriques s'est donné jusqu'à la fin mai pour étudier des offres de rachat, avec une préférence marquée pour celle de GE, la seule formellement sur la table pour l'instant, alors que Siemens a les faveurs d'Arnaud Montebourg.

Dans une lettre adressée début mai à Jeffrey Immelt, l'État avait demandé que GE renforce en contrepartie le pôle transports d'Alstom, sur lequel ce dernier entend se concentrer en cas de cession de sa branche énergie, et apporte davantage de garanties sur l'emploi.

«À ce stade, il n'y a pas encore eu de réponse à la lettre», a souligné la source.