L'appareil est en retard, très en retard. Le Boeing 787, le Dreamliner, devait atterrir sur les terres d'Air Canada (T.AC.B) en 2010. Ce sera finalement dans quelques jours qu'il fera son apparition dans le ciel canadien.

Ce retard a évidemment occasionné des désagréments pour Air Canada: des dépenses additionnelles, le fait de devoir utiliser plus longtemps que prévu des avions moins efficaces.

Mais il a aussi eu des avantages.

«Ce n'est pas une mauvaise chose, déclare le président et chef de la direction d'Air Canada, Calin Rovincescu, dans une entrevue avec La Presse Affaires. Avec tous les défis que nous avons eus en 2009, avec la transformation qu'il fallait faire, ce n'était pas le temps de prendre possession d'une nouvelle flotte, un processus qui demande énormément d'efforts et qui change plusieurs choses.»

Transformation nécessaire

Selon lui, la transformation d'Air Canada était nécessaire. Lorsque M. Rovinescu en a pris les commandes en 2009, c'était une société mature dans une industrie mature.

«C'était une franchise extraordinaire, il y avait très peu de compagnies canadiennes aussi connues, mais on a vu plusieurs exemples de grands acteurs extraordinaires qui n'ont pas survécu parce qu'ils n'ont pas été capables de se transformer, comme Kodak, Polaroid ou Nortel», note M. Rovinescu.

Après la récession de 2008-2009, il a fallu stabiliser l'entreprise, assurer son financement et mettre en place des mesures de réduction des coûts. Il est maintenant temps d'investir dans la flotte et d'exécuter la stratégie internationale de l'entreprise.

«Nous allons continuer à concurrencer sur la scène domestique, mais notre stratégie, c'est d'être très fort en international. C'est là où nous allons investir dans le futur.»

Le Dreamliner est justement au centre de cette stratégie.

Lorsque Air Canada a passé une commande pour cet appareil en 2005, c'était essentiellement pour remplacer ses Boeing 767. Or, la société a ajouté depuis un objectif supplémentaire: offrir des routes qui n'étaient pas réalisables avec le 767 ou qui n'étaient pas rentables avec cet appareil.

Le 787 a un rayon d'action de 14 500 km, comparativement à 6025 km pour le 767. Il peut donc desservir des destinations beaucoup plus distantes qui n'ont pas un volume justifiant un gros appareil comme le 747.

Air Canada a commandé 37 appareils 787, un investissement de 5 milliards au prix courant. L'acquisition de ces appareils lui permettra de libérer des 767 pour les affecter à Rouge, un nouveau transporteur qui se consacre au voyage de loisirs.

Grâce à ces appareils de grande capacité (comparativement au Boeing 737 et à l'Airbus A320) et à la structure de coûts plus légère de Rouge, Air Canada sera plus à même de concurrencer les autres transporteurs spécialisés dans le voyage de loisirs. «Rouge n'est pas un transporteur à bas coûts, mais ses coûts sont quand même moins élevés que ceux d'Air Canada», précise M. Rovinescu.

Pour mettre en oeuvre sa stratégie internationale, Air Canada a également commandé cinq appareils 777 à grande capacité pour les liaisons à forte demande.

Du côté local, le transporteur a passé une commande pour des appareils Boeing 737 afin de remplacer 20 de ses 45 biréacteurs régionaux Embraer 190. Au cours des deux prochains mois, Air Canada devrait décider ce qu'il fera des 25 appareils Embraer 190 restants. Il y a quatre possibilités: les garder, les remplacer par des Boeing 737, les remplacer par des appareils Embraer de nouvelle génération ou les remplacer par la CSeries de Bombardier.

«C'est une analyse basée sur les équipements, mais aussi sur le financement, les coûts par passager, les dépenses liées à la formation, sur le confort des passagers», énumère M. Rovinescu.

Ce qui arrivera avec les plans de Porter Airlines à l'aéroport Billy Bishop de l'île de Toronto constitue un autre facteur à considérer, bien qu'il soit secondaire.

Porter veut utiliser la CSeries à partir de l'aéroport Billy Bishop, mais une forte opposition s'est mise en place à l'idée de voir des avions à réaction atterrir et décoller si près du centre-ville.

Air Canada ne veut pas se faire damer le pion. «Nous avons réalisé nos principaux investissements à l'aéroport Pearson, mais l'aéroport Billy Bishop est un marché important, a-t-il déclaré. Nous pensons que cet aéroport est bien desservi par les turbopropulseurs, mais si les jets sont permis, nous allons utiliser des jets.»

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LES FORCES

> Une position dominante sur le marché.

> Une flotte en pleine cure de rajeunissement.

LES FAIBLESSES

> À la merci du prix du carburant, des taux de change et de la température.

> Une mauvaise réputation en fait de service dont il est difficile de se débarrasser.

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AIR CANADA EN CHIFFRES

12,4 milliards

Revenus

10 millions

Bénéfice net

9,5 milliards

Actif

3,9 milliards

Dette à long terme

2,4 milliards

Capitalisation boursière

27 000

Nombre d'employés

299

Parc aérien (avec le premier Boeing 787)

*Exercice terminé le 31 décembre 2013