«Le parachèvement de l'autoroute 30, c'était le chaînon manquant.»

Pour la directrice générale du centre local de développement Beauharnois-Salaberry, Johanne Brunet, la situation qui prévalait avant le parachèvement constituait un frein à l'essor de la région.

«L'autoroute devient le chaînon qui permet que tout fonctionne, que tout s'imbrique», affirme-t-elle.

Les choses n'ont pas tardé à bouger.

«Alors qu'on procédait à l'inauguration, ici, à Beauharnois-Salaberry, on a vu une augmentation des demandes de renseignements de la part d'entreprises qui voulaient éventuellement s'installer dans la région, dans divers secteurs, mais notamment dans le secteur manufacturier et dans la logistique et le transport», affirme Mme Brunet.

Elle soutient que, depuis cette fameuse inauguration, on a annoncé plus de 1 milliard de dollars d'investissements dans la région.

«L'autoroute a désenclavé le territoire, indique-t-elle. Ça nous permet de nous présenter comme une plateforme où transite la marchandise de façon optimale. Ça vient confirmer les créneaux que nous avons mis en valeur au cours des dernières années.»

La région fait notamment valoir l'accès à plusieurs infrastructures de transport, le port, le chemin de fer et l'autoroute, et sa proximité avec Montréal, l'aéroport Montréal-Trudeau, les États-Unis et l'Ontario.

«Nous sommes à 20 minutes de tout», lance Mme Brunet.

C'est l'ensemble des infrastructures de transport de Salaberry-de-Valleyfield qui a amené Argex Titane à investir 250 millions pour y établir une usine de production de dioxyde de titane.

«Le parachèvement de l'autoroute 30 a fait partie de la décision», indique le grand patron d'Argex Titane, Roy Bonnell.

Le désenclavement permet également à la région de Beauharnois-Salaberry de faire valoir des terrains industriels «prêts à construire».

«Si on fait l'inventaire des terrains industriels disponibles dans la grande région de Montréal, on voit qu'il n'y a pas beaucoup de municipalités qui peuvent en offrir en quantité suffisante», soutient Mme Brunet.

Régis Martel, économiste à Emploi-Québec, croit que les effets du parachèvement de l'autoroute 30 ne font que commencer à se faire ressentir.

«Depuis un bon moment, la région de Beauharnois-Salaberry était en situation de stagnation en fait d'activité économique, affirme-t-il. Ça a amené un vent de fraîcheur, un vent d'espoir.»

Il note que plusieurs annonces d'investissements ne portent pas sur de nouvelles activités, mais sur des relocalisations.

La situation du pont Champlain augmente également l'attrait de la région.

«C'est maintenant un handicap important que de transiter par Montréal», note M. Martel.

Un peu plus à l'ouest, à Vaudreuil-Soulanges, les impacts du parachèvement de l'autoroute 30 sont moins grands. La région était déjà desservie par les autoroutes 20 et 40.

«Il y a plus de trafic, indique le directeur général du CLD Vaudreuil-Soulanges, Julien Turcotte. Ça vient confirmer notre position, avec l'A20, l'A30 et l'A40. Ça nous donne un avantage encore plus grand pour se positionner au point de vue de la logistique.»

Si le secteur industriel répond à l'appel, le secteur commercial pourrait être un peu plus problématique.

«Il peut y avoir des fuites vers d'autres territoires, dit Mme Brunet. Il est maintenant plus facile pour les consommateurs de se déplacer vers les grands centres commerciaux de l'extérieur de la région.»

Beauharnois-Salaberry doit donc prévenir cette fuite éventuelle en mettant en place une offre intéressante et complémentaire sur place.

«Il y a des occasions de développement commercial, affirme la directrice du CLD. Les gens n'auront pas besoin de se déplacer, et en plus, nous pourrons attirer des gens de l'extérieur. Ça va dans les deux sens.»

Projets d'investissement dans la région

Au cours de la dernière année, plusieurs projets ont été annoncés dans la région desservie par le nouveau tronçon de l'autoroute 30. En voici quelques-uns.

Argex Titane

Usine de production de dioxyde de titane

Salaberry-de-Valleyfield

Investissement de 250 millions

150 emplois

CSX Transportation

Terminal intermodal

Salaberry-de-Valleyfield

Investissement de 107 millions

300 emplois

Forage Géomax

Bureaux et garage

Beauharnois

Investissement de 1 million

Emballage Winpak

Agrandissement et revitalisation d'une usine

Vaudreuil-Dorion

Investissement de 36 millions

Port de Salaberry-de-Valleyfield

Ajout d'un huitième quai

Salaberry-de-Valleyfield

Investissement de 35 millions

Métaux et poudres Solument

Relocalisation d'une usine

Beauharnois

Investissement de 10 à 15 millions

Transfert de 30 emplois

Nemaska Lithium

Usine d'hydroxyde et de carbonate de lithium

Salaberry-de-Valleyfield

Investissement de 300 millions

85 emplois

Ericcson

Centre de technologies de l'information

Vaudreuil-Dorion

Investissement de 1,27 milliard

Consolidation de 1400 emplois

Groupes immobiliers Custeau et Lagacé

Immeuble de bureaux, station-service et hôtel

Beauharnois

Investissement de 50 millions

300 emplois

Target

Magasin

Candiac

Investissement de 8,4 millions pour le terrain

De l'oxygène pour les camionneurs

Lorsqu'il pense aux tribulations qui attendent encore le pont Champlain, Marc Cadieux soupire.

«Une chance qu'on a l'A30, lance le président de l'Association du camionnage du Québec. Depuis que l'autoroute a été terminée, ce sont des milliers de camions qui ne transitent plus par le pont. Ça ne règle pas tout, mais au moins, c'est un peu d'oxygène pour une partie du trafic.»

Selon les statistiques du consortium de l'autoroute 30, environ 20 400 véhicules, dont 3260 camions, empruntent chaque jour le dernier tronçon de l'autoroute.

Ces chiffres ont beaucoup augmenté au cours de l'année. «L'autoroute semble bien fonctionner, souligne le porte-parole de CAA-Québec, Philippe St-Pierre. C'est une bonne voie de contournement.»

Il n'y a peut-être aucun lien avec le parachèvement de l'autoroute 30, mais selon l'index de congestion préparé par le fabricant néerlandais de GPS TomTom, Montréal est la ville américaine où la congestion a le plus diminué entre 2012 et 2013.

Selon cet index, Montréal est au 12e rang des villes les plus congestionnées en Amérique, tout de suite après New York.

L'autoroute 30 demeure cependant mal connue, selon le directeur général du consortium Nouvelle Autoroute 30, Denis Léonard.

«Environ 25% des automobilistes ne connaissent pas la nouvelle partie de l'A30 qui permet de traverser le fleuve Saint-Laurent et de contourner Montréal par Vaudreuil-Dorion.»

M. Cadieux estime également que l'autoroute 30 n'est pas à son plein rendement.

«On devrait continuer à encourager son utilisation en dépit du péage», lance-t-il.

Aux yeux des camionneurs, ce péage, situé entre le tunnel Soulanges et le pont qui relie Les Cèdres à Salaberry-de-Valleyfield, constitue le principal défaut de l'autoroute 30.

«Notre association était contre l'idée d'un péage parce que notre industrie considérait qu'elle contribuait déjà largement à l'assiette fiscale, explique M. Cadieux. La contribution de l'industrie atteint 1 milliard de dollars par année en redevances, taxes, permis d'exploitation, etc.»

La plupart des camionneurs ont fini par s'y faire. Il est possible d'éviter le péage en empruntant le boulevard Monseigneur-Langlois, dans Salaberry-de-Valleyfield, mais M. Cadieux fait valoir que ce n'est pas payant.

«Un transporteur qui fait une fine analyse de ses coûts d'exploitation voit bien qu'il n'y a pas d'avantage à éviter le péage parce qu'avec tous les arrêts et les feux de circulation, on augmente la consommation d'essence, le temps de déplacement, la possibilité d'accidents et l'usure du camion et des pièces», affirme M. Cadieux.

Toutefois, l'Association demeure vigilante.

«Il faut que la tarification demeure incitative et concurrentielle», lance le porte-parole.

Si le parachèvement de l'autoroute 30 permet de désengorger quelque peu la circulation au coeur de Montréal, il peut y avoir formation de bouchons ailleurs.

«Il y a un goulot d'étranglement qui se dessine sur l'autoroute 30, entre les routes 112 et 116, en raison de la convergence de la circulation, observe Régis Martel, économiste à Emploi-Québec dans la Montérégie. Il faudra résoudre ce bouchon si on veut donner à l'autoroute 30 son plein allant, si on veut qu'elle joue son rôle pleinement.»

Ce type de ralentissement pourrait apparaître ailleurs sur l'autoroute 30.

«Lorsqu'on crée une voie de contournement, des activités commerciales et industrielles finissent par se greffer le long de ces autoroutes, explique M. Martel. Le fait que les gens entrent et sortent entraîne des zones d'accélération et de décélération. Ça crée un ralentissement des flux de circulation s'il n'y a pas de bretelles.»

Pour sa part, le directeur général du centre local de développement Vaudreuil-Soulanges rêve toujours au parachèvement de l'autoroute 20.

«Il reste un petit bout dans L'Île-Perrot et à Dorion où l'autoroute devient un boulevard urbain, avec des feux de circulation, rappelle-t-il. Si on avait mieux planifié, on aurait pu aider Montréal à se désengorger. Mais il n'est peut-être pas trop tard.»

Les secteurs à suivre

1 - Certains automobilistes cherchent à éviter le poste de péage de la nouvelle autoroute 30 en empruntant un boulevard au coeur de Salaberry-de-Valleyfield. Le tarif du péage est de 1,50$ par voiture ou, s'il s'agit d'un camion, de 1,15$ par essieu. (Le pont sur la route 30 entre Valleyfield et Vaudreuil-Dorion)

2 - Une nouvelle zone d'embouteillage est en train de prendre naissance entre les routes 112 et 116, essentiellement pendant l'heure de pointe, en raison de la convergence des diverses routes. Il faudra résoudre ce goulot d'étranglement pour permettre à l'autoroute 30 de jouer pleinement son rôle. (la 30 entre la 112 et la 116)

3 - Le pont Champlain est une source d'inquiétude. La situation serait encore plus délicate si l'autoroute 30 n'avait pas été parachevée. L'inquiétude créée par la situation précaire du pont pourrait amener davantage d'entreprises à se relocaliser au long de la nouvelle autoroute.

4 - Contrecoeur convoite un nouveau pôle logistique de transport intermodal. Les militants péquistes sont en faveur de cet emplacement, où le port de Montréal prévoit construire un nouveau terminal de conteneurs.

5 - Pendant la campagne électorale de 2012, les libéraux avaient promis d'établir à Vaudreuil-Dorion un nouveau pôle logistique de transport intermodal. La région peut notamment compter sur une desserte ferroviaire.

6 - Une section de l'autoroute 20 n'est toujours pas achevée. Dans L'Île-Perrot et à Dorion, l'autoroute devient un simple boulevard urbain, avec les feux de circulation que cela implique. (la 20 sur L'Île-Perrot)

Statistiques de circulation, en nombre moyen de véhicules par jour :

1 - 20 400 véhicules; 16% de camions (Section de la 30 entre la 530 et la 20)

2 - 17 750 véhicules; 17% de camions (530 dans Salaberry-de-Valleyfield, entre la 30 et la 201)

3 - 25 400 véhicules; 20% de camions (la 30, entre Salaberry-de-Valleyfield et Beauharnois)

4 - 24 700 véhicules; 20% de camions (la 30, entre Beauharnois et Châteauguay)

5 - 24 850 véhicules; 19% de camions (la 30, entre Châteauguay et St-Constant)