Aucune des deux raffineries encore en activité au Québec n'utilise le train pour s'approvisionner en pétrole brut, mais Ultramar et Suncor ont toutes deux des plans pour le faire à court terme.

Leur objectif est de diminuer le coût de leur matière première en achetant du pétrole canadien et américain, moins cher que le pétrole importé d'outre-mer qu'elles consomment actuellement.

À Lévis, Ultramar n'utilisera que du pétrole nord-américain d'ici un an ou deux, a fait savoir Bill Klesse, président et chef de la direction de Valero Energy, la société mère d'Ultramar, dans une présentation aux analystes le 5 juin dernier.

Suncor, de son côté, veut acheminer par train 40 000 barils de brut de l'Ouest à sa raffinerie de Montréal dès l'an prochain.

Les deux entreprises comptent aussi sur le renversement du flot du pipeline d'Enbridge, ce qui permettrait de les alimenter en pétrole de l'Ouest, moins cher.

En attendant la réalisation de ce projet, les marchés ont trouvé une solution: le train. Comparativement aux pipelines, qui sont toujours contestés et prennent des années avant de se réaliser, le train est une solution peu coûteuse et qu'on peut mettre en place rapidement.

La raffinerie d'Irving à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, n'a pas attendu d'être reliée à un pipeline pour réduire ses coûts d'approvisionnement. C'est à elle qu'était destiné le convoi qui a dévasté Lac-Mégantic.

Hier, Irving Oil a émis un communiqué pour confirmer que le pétrole brut lui était acheminé par la Montreal, Maine&Atlantic Railway. »Nous avons immédiatement offert notre aide aux autorités pour l'intervention d'urgence, y lit-on. Nos pensées et nos prières vont à tous ceux et celles qui ont été touchés par cette tragédie. »

Le pétrole destiné à Irving Oil était tiré de la formation de Bakken, au Dakota-du-Nord. Il s'agit d'un type de pétrole léger, et non de pétrole lourd des sables bitumineux qu'aucune raffinerie de l'est du Canada ne peut traiter.

Suncor, qui exploite les sables bitumineux de l'Alberta, songe à investir dans sa raffinerie de Montréal pour lui permettre de traiter du pétrole bitumineux. Mais en attendant, elle veut se tourner vers le train pour fournir le tiers des 137 000 barils par jour qu'elle consomme.

Ultramar, à Lévis, a déjà commencé à faire venir par bateau du pétrole tiré du gisement d'Eagle Ford, au Texas. Une première cargaison de 30000 barils a été traitée, et la quantité pourrait augmenter à 90 000 barils, soit le tiers de la capacité de la raffinerie.

Valero a aussi investi dans l'achat de 12 000 wagons pour transporter du brut nord-américain vers ses raffineries à compter de 2015. Le porte-parole québécois de Valero, Michel Martin, n'a pas voulu dire si une partie de ces wagons se rendront à Lévis.

Ultramar utilise le train pour transporter de l'essence de Lévis jusqu'en Ontario, »à raison de trois ou quatre convois par semaine", a précisé son porte-parole.

Le recours au train a beaucoup diminué depuis l'entrée en service, au début de 2013, du pipeline d'Ultramar qui relie Lévis à Montréal-Est. Avant, une dizaine de convois d'essence par semaine voyageait par le train entre ces deux points.

Trafic pétrolier intense

En bateau, en camion, en train ou en pipeline, les produits pétroliers ont toujours beaucoup voyagé. Le porte-parole de l'Association canadienne des carburants, Carol Montreuil, rappelle qu'il y a déjà eu six raffineries de pétrole à Montréal, alimentées surtout par voie maritime.

Sur le fleuve, le trafic pétrolier s'est intensifié au cours des dernières années. Le Québec importe plus de produits raffinés, de l'essence surtout, depuis la fermeture de la raffinerie Shell en 2010.

Le volume de produits pétroliers débarqués au port de Montréal est passé de 7,1 millions de tonnes à 10 millions entre 2010 et 2011. En 2012, le volume a été de 9 millions de tonnes.

Si le projet de renversement de la Ligne 9 d'Enbridge aboutit, le pétrole de l'Ouest arrivera à Montréal pour être acheminé chez Suncor, mais il devra prendre le bateau pour se rendre chez Ultramar à Lévis.

Selon M. Montreuil, l'accident de Lac-Mégantic pourrait donner un coup de pouce aux promoteurs de projets de pipelines comme Enbridge et TransCanada. »Quand les gens vont regarder froidement les risques que posent toutes les formes de transport, ils vont se rendre compte que le pipeline est un moindre mal", a-t-il dit.

Suncor à Montréal

Capacité: 137 000 barils par jour

Approvisionnement actuel: pipeline

Projet: 40 000 barils acheminés par train

Ultramar à Lévis

Capacité: 265 000 barils par jour

Approvisionnement actuel: bateau

Projet: bateau, train, pipeline

Irving à Saint-Jean

Capacité: 300 000 barils par jour

Approvisionnement actuel: bateau, train

Projet: pipeline