Sans participation du fédéral et sans approche en PPP, le tramway serait trop cher pour Montréal dans l'état actuel de ses finances.

C'est ce qui se dégage d'un rapport rendu public aujourd'hui par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

Le Groupe de réflexion sur le financement du tramway formé par la CCMM a fait ses calculs sur la base d'un projet d'une ligne de tramway de 13,4 km dans l'axe Côte-des-Neiges avec une boucle au centre-ville et deux branches vers des zones ayant des terrains en friche. Un projet évalué à 1,165 milliards et à 76 millions du kilomètre.

Une telle ligne pourrait transporter 70 000 personnes par jour, contre les 40 000 actuels qui transitent par autobus dans le même axe.

Une partie des coûts serait aussi assumée par les utilisateurs des infrastructures souterraines, comme Hydro-Québec et Gaz Métro.

Mais sans fonds fédéraux et l'injection de capitaux privés, la contribution nette de la Ville monterait à 609 millions, conclut le rapport.

Financé sur 30 ans, cela se traduirait par un déboursé annuel de 44 millions. Une somme qui tombe à 465 millions, ou 34 millions par année, avec l'ajout de fonds fédéraux.

«Les sommes peuvent paraître petites mais la Ville n'est pas en situation de surplus», affirme Michel Leblanc, président et chef de la direction de la CCMM. «Même 465 millions, c'est difficile à envisager dans l'état actuel des finances de la Ville.»

Les auteurs ont fait l'hypothèse que la Ville ferait financer une partie du tramway par les entrepreneurs immobiliers qui profiteraient d'une plus-value avec l'arrivée du tramway.

Selon Florence Junca-Adenot, qui a participé à la rédaction du rapport, il est de pratique courant en Europe et dans les autres villes canadiennes d'utiliser des taxes à l'amélioration locale pour financer les projets de transport en commun. «La taxe est prélevée au moment de la vente de la propriété neuve, elle est intégrée au prix de vente initial par le promoteur», dit-elle.

Selon le rapport, la Ville pourrait récolter 339 millions de cette manière, en particulier dans la zone de l'Hippodrome et dans le secteur de Radio-Canada, aux deux extrémités de la ligne.

Pour Michel Labrecque, président du conseil d'administration de la STM, membre lui aussi du groupe de réflexion, Montréal reviendra au tramway, mais pas à court terme. «Mon avis personnel, c'est qu'un jour, Montréal aura son tramway, dit-il. C'est un outil de transport très performant. Mais c'est notre priorité numéro 18 sur 20. Si je n'ai pas l'argent pour entretenir, réparer et remplacer le réseau actuel, je n'ai pas besoin d'une nouvelle patente qui va coûter plus cher qu'on pense.»

Pour Richard Deschamps, vice-président du Comité exécutif, la CCMM a remis «un rapport rigoureux» qui doit servir d'avertissement. Le tramway est «un projet intéressant mais il faut le financer adéquatement».

Richard Bergeron, chef de Projet Montréal, fait depuis longtemps du tramway son cheval de bataille.

Il affirme que le rapport de la CCMM est «bien fait», mais qu'il vient avec six ans de retard. Il affirme que deux nouvelles mesures imposées sous l'administration Tremblay auraient très bien pu servir à financer un tramway : les droits sur l'immatriculation et la taxe sur le stationnement rapportent en tout 68 millions par année. «J'ai de la peine de voir qu'on a perdu six ans», dit-il.

M. Bergeron conteste toutefois le coût de 76 millions du kilomètre auquel arrive le rapport. «Ils ont choisi une ligne plus chère et ils lui font porter la totalité des coûts fixes comme le centre d'entretien», dit-il. Il affirme qu'en moyenne dans le monde, le tramway coûte 40 à 45 millions du kilomètre.

Il continue de prôner la mise en chantier d'un réseau de 37,5 kilomètres, avec la ligne Côte-des-Neiges et une autre sur le boulevard Saint-Laurent  M. Labrecque reconnaît que le coût du kilomètre baisserait avec un réseau plus long. «Mais le problème au Québec, c'est qu'on a tendance à sous-évaluer le coût de ce type de projet», dit-il.