Le constructeur aéronautique Airbus se prépare à défier son concurrent Boeing sur son terrain en ouvrant une chaîne d'assemblage aux États-Unis, ont indiqué jeudi plusieurs sources chez l'avionneur européen.D'après le site internet du journal local Press-Register, le patron d'Airbus, Fabrice Brégier, doit annoncer lundi dans une conférence de presse à Mobile (Alabama) l'implantation dans cette ville d'une chaîne d'assemblage de monocouloirs A320, les best-seller de l'avionneur.

«Il est vrai que Fabrice Brégier sera à Mobile lundi», a confirmé une source chez Airbus. «Les choses s'accélèrent. Cette conférence de presse n'était pas prévue il y a 48 heures», a-t-elle ajouté.

«Aucune décision finale n'a été prise», avait toutefois insisté quelques heures plus tôt Tom Enders, directeur exécutif de la maison mère d'Airbus, le groupe européen d'aéronautique et de défense EADS.

Tout indique cependant que les dés sont jetés chez le constructeur européen: il veut ouvrir aux États-Unis une quatrième chaîne d'assemblage après celles de Toulouse, Hambourg et Tianjin, en Chine.

Le prédécesseur de Tom Enders, Louis Gallois, et son directeur financier, Hans-Peter Ring, avaient d'ailleurs recommandé cette décision avant leur départ fin mai, a souligné un responsable du groupe.

L'implantation aux États-Unis ne présente que des avantages pour Airbus, à en croire des responsables de l'entreprise qui ont requis l'anonymat.

Le marché est immense: les compagnies aériennes américaines vont devoir renouveler quelque 4000 appareils en fin de vie dans les 20 prochaines années, selon les estimations de l'avionneur.

Airbus, qui s'est emparé de la moitié du marché mondial des monocouloirs avec sa gamme d'A320, n'a encore que 20% du marché américain et ne veut pas s'en contenter, a expliqué un responsable qui a requis l'anonymat.

Selon lui, l'ouverture d'une usine serait amortie même si Airbus ne conquérait que 10% supplémentaires du marché.

Produire aux États-Unis permet aussi de réduire les risques de changes: Airbus supporte actuellement la plupart de ses coûts de production en euros, mais vend ses appareils en dollars et souffre de la faiblesse du billet vert.

Produire aux États-Unis permettrait également de séduire des compagnies aériennes qui préfèrent «acheter américain».

Et il vaut mieux s'implanter sur place pour décrocher des commandes qu'attendre les commandes avant de s'implanter, a expliqué une autre source.

Ainsi, Eurocopter, autre filiale d'EADS, avait ouvert une usine dans le Mississipi avant de décrocher en 2006 une commande de 345 hélicoptères pour l'armée de terre américaine, a-t-il rappelé.

«Nous n'avons jamais caché que notre stratégie était d'accroître notre implantation industrielle (...) aux États-Unis, qui représentent le plus grand marché au monde pour l'aéronautique et la défense et le resteront pendant de longues années», a souligné M. Enders.

Airbus avait prévu d'ouvrir une usine à Mobile pour y produire des avions ravitailleurs pour l'armée de l'air américaine, un contrat de 35 milliards de dollars que Boeing lui a arraché in extremis en 2011.

«Nous y avons acquis beaucoup d'expérience et nous nous y sommes fait des appuis solides», a déclaré le patron d'EADS, qui dirigeait à l'époque Airbus.

L'avionneur réfute d'avance le reproche qui pourrait lui être fait de mettre en danger des emplois en Europe en s'implantant en Amérique.

L'assemblage final d'un avion ne représente que 5% de sa valeur et entraîne mécaniquement du travail additionnel en Europe, a souligné un porte-parole.

Ainsi, depuis qu'Airbus a ouvert sa chaîne d'assemblage en Chine en 2006, ses effectifs dans le monde ont progressé de 7%, ses livraisons d'avions de 10%, et son chiffre d'affaires de 20%. En 10 ans, il a créé 15 000 emplois en Europe et prévoit 4000 nouvelles embauches cette année, a-t-il rappelé.