L'attente, encore et toujours. Près d'un mois après la fermeture d'Aveos, plus de 1800 employés n'ont toujours pas reçu un dollar d'assurance emploi. Menacés d'asphyxie, les travailleurs manifesteront ce matin pour une première fois dans les rues de Montréal.

Chaque jour, depuis un mois, la cellule de crise mise sur pied par le syndicat dans son bureau du boulevard de la Côte-Vertu croule sous les questions des travailleurs, préoccupés par le sort de leur dernier salaire et de leurs indemnités d'assurance emploi. Les ex-employés d'Aveos, sous-traitant d'Air Canada, viennent d'apprendre qu'ils n'auront leur relevé d'emploi qu'une fois leur dernier salaire versé, le 21 ou le 26 avril. Or, sans relevé, pas de prestations d'assurance emploi.

«On met tellement d'énergie à se battre pour un bout de papier, soupire Maxime Dolci, ancien employé. Normalement, les relevés doivent être envoyés dans les 10 jours suivant la fermeture. On a déjà vécu une fermeture sauvage, et maintenant, à cause d'une formalité administrative, on n'a rien. On est toujours en attente, et on dirait que personne ne nous écoute.»

«Une insulte après l'autre»

Ironiquement, plusieurs employés ont reçu au cours des derniers jours une lettre de Service Canada les invitant à démontrer leur bonne foi dans leur recherche d'emploi. «C'est une insulte après l'autre dans cette affaire: non seulement on se fait fermer la porte au nez, mais on n'a pas de paie, pas de relevé d'emploi», déplore Lyne Ste-Marie.

Chez cette mécanicienne, l'argent commence à manquer: pour une première fois, sa fille lui a payé l'épicerie au cours du week-end.

Camouflet ultime, certains chefs d'équipe d'Aveos, retraités ou non, ont obtenu des contrats chez Air Canada pour assurer, selon le transporteur, une transition sans heurts.

«Nous, on est là, on crève de faim, et encore une fois, le management s'en sort», dit-elle.

Après sa fermeture, Aveos, née de la scission des services d'Air Canada, a jeté la responsabilité de ses problèmes sur son principal client, pourtant tenu par la loi de préserver ses centres à Montréal. Le transporteur aérien estime au contraire que c'est la mauvaise gestion de ses dirigeants qui a poussé Aveos à la faillite.

Relance au point mort

Alors que Québec réfléchit toujours à la suite à donner à sa mise en demeure envoyée à Air Canada au début du mois, la reprise d'Aveos par des investisseurs privés évoquée par la FTQ semble au point mort.

Malgré tout, un petit noyau d'anciens employés continue à se rendre chaque matin devant son lieu de travail, sur la «base road», tout près du siège social d'Air Canada.

«C'est thérapeutique. On a besoin de sentir qu'on se bat. On est comme une famille, ça fait 20 ans qu'on travaille ensemble», explique Mike Simons, 47 ans, entré chez Air Canada en 1990. Pour ne pas perturber ses enfants, il maintient l'illusion qu'il a encore un travail. Tous les matins, il arrive à la même heure boulevard Côte-Vertu.

Deux foires d'emploi ont été organisées depuis la disparition d'Aveos, mais une vingtaine de personnes seulement ont trouvé du travail, selon le syndicat: les places sont rares.

«À Montréal, il n'y a pas d'autre endroit qui peut faire ce qu'on faisait à Aveos», explique un ancien inspecteur, qui préfère taire son nom. Formé en interne au cours de sa carrière chez Air Canada, cet homme ne croit pas pouvoir trouver du travail dans son domaine. Il vit maintenant de ses épargnes.

«Si rien ne se passe dans les trois mois, c'est sûr que je m'en vais en faillite», affirme-t-il.

Le syndicat ignore si son appel à la manifestation au centre-ville de Montréal mobilisera les troupes ce matin. «On souhaite que les gens soient présents. On va espérer», dit Maxime Dolci.

«Il y a eu le choc de la fermeture. Tranquillement, on retombe dans la colère et la frustration de voir que le système ne nous prend pas en charge. On est encore dans la pente descendante.»