Dans la guerre des moteurs, le Québec fournit des munitions. Pour les deux côtés.

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À Bromont, des ingénieurs de GE Aviation collaborent au développement du Leap-X du consortium CFM. À Mirabel, Pratt & Whitney fait des essais sur la turbosoufflante à réducteur qui équipera la CSeries.

Une décision qui sera prise à Hartford, au siège social d'United Technologies Corporation (UTC), la société mère de Pratt & Whitney, pourrait amener le Québec à s'investir encore davantage dans ce grand combat.

UTC a déjà décidé de transférer au nouveau Centre aéronautique de Pratt & Whitney Canada (P&WC) à Mirabel l'essentiel des activités d'essais en vol de tous les moteurs de Pratt & Whitney. Le complexe assemblera aussi le moteur de la CSeries.

Or, UTC pourrait décider de faire également assembler à Mirabel la turbosoufflante à réducteur qui équipera l'Airbus A320neo.

«Nous n'avons pas encore pris la décision, nous avons encore du temps pour décider», a récemment déclaré le grand patron d'UTC, Louis Chênevert, à l'occasion de son passage à Montréal.

En plus du moteur de la CSeries, le Centre aéronautique de Mirabel devait également assembler le PW800 de P&WC, qui devait motoriser un gros avion d'affaires de Cessna, le Columbus. Or, la récession a forcé Cessna à abandonner ce projet. P&WC est présentement en discussion avec les autres manufacturiers d'avions d'affaires pour donner une plateforme au PW800, mais en attendant, il pourrait y avoir de la capacité disponible à Mirabel.

Les installations de P&WC à Longueuil pourraient également toucher à la turbosoufflante à réducteur.

«Nous faisons des pièces pour d'autres moteurs de Pratt & Whitney, indique le vice-président à l'ingénierie et à la productivité de P&WC, Walter di Bartolomeo, dans une entrevue avec La Presse Affaires. Nous regardons pour la turbosoufflante à réducteur, notamment du côté de la chambre à combustion, mais ce n'est pas décidé encore.»

P&WC, filiale de Pratt&Whitney, compte 9000 employés, dont près de 5000 au Québec. Les moteurs qu'elle fabrique équipent des hélicoptères, des appareils turbopropulsés et des avions d'affaires.

Le motoriste travaille au développement du moteur qui propulsera une nouvelle catégorie d'appareils turbopropulsés, de gros avions qui pourront transporter 90 passagers. Les avionneurs qui construisent présentement des appareils propulsés, Bombardier et ATR (Avions de transport régional), entendent développer un jour de plus gros avions, mais pour l'instant, leurs ressources sont consacrées au développement d'autres produits. P&WC veut être prête lorsque Bombardier et ATR passeront à l'action.

Walter di Bartolomeo s'attend à ce que GE entre dans la course et cherche à s'emparer de ce nouveau segment.

«C'est un marché très intéressant, affirme-t-il. Je suis sûr que GE sera là, qu'il y aura de la compétition comme dans tous les marchés. Mais c'est nous qui motorisons les trois appareils turbopropulsés régionaux qui existent actuellement, soit le Q400, l'ATR et le MA60 (un appareil chinois). C'est un avantage.»

GE n'assemble pas de moteurs au Québec, mais elle y fabrique des pièces importantes, des aubes de compresseurs, qui se retrouvent dans les moteurs de Boeing 737, d'A320, de Boeing 787 et de biréacteurs régionaux de Bombardier et d'Embraer.

«Notre plus gros programme, ce sont des aubes pour le CFM56, qui équipe tous les 737 et la moitié des A320», indique le directeur général de l'usine de GE à Bromont, Philippe Simonato, dans une entrevue téléphonique avec La Presse Affaires.

L'usine vise maintenant les aubes du Leap-X, le moteur de nouvelle génération qui remplacera le CFM56.

«Nous participons directement à son développement, déclare M. Simonato. Le Leap-X aura des caractéristiques assez intéressantes. Il y a de nouveaux matériaux, des composites, des alliages un peu spéciaux qui résisteront à des températures assez fortes. Il faut faire beaucoup de développement de procédés de fabrication.»

L'usine de GE à Bromont compte plus de 700 employés, un nombre qui devrait demeurer stable en 2012.

Le motoriste britannique Rolls-Royce est également présent au Québec, mais il se consacre essentiellement à la réparation et à la révision de moteurs. Il ne s'agit toutefois pas d'une petite opération: l'usine de Montréal, le plus grand des sept établissements de Rolls-Royce au Canada, compte plus de 1360 employés.