Il ne pourra y avoir de grève ou de lock-out lundi de 10 000 employés d'Air Canada, comme on pouvait le craindre.

La ministre fédérale du Travail, Lisa Raitt, a annoncé en après-midi hier qu'elle avait confié deux dossiers de négociations au Conseil canadien des relations industrielles pour obtenir son opinion.

L'annonce de la ministre donnait suite à celle d'Air Canada, quelques heures plus tôt, voulant qu'elle mette ses pilotes en lock-out s'ils n'acceptaient pas l'offre finale d'ici lundi matin à minuit et une.

Ce conflit, qui touche quelque 3000 pilotes, s'ajoute à celui qui implique 8600 mécaniciens, bagagistes et manutentionnaires de fret de la compagnie. Ces derniers devaient déclencher une grève lundi, à la même heure, si aucune entente n'était conclue avec la partie patronale.

«Nous savons tous que ce sont les congés du mois de mars, particulièrement au Québec, en Ontario et la semaine prochaine, en Colombie-Britannique», a noté la ministre Raitt.

Disant craindre des conséquences néfastes pour l'économie et les «familles canadiennes», elle a ajouté: «C'est pourquoi j'ai demandé aujourd'hui au Conseil canadien des relations industrielles d'examiner le dossier et les faits pour déterminer si un arrêt de travail à Air Canada aura un effet sur la santé et la sécurité des Canadiens».

Air Canada a réagi dans un communiqué de deux pages envoyé environ une demi-heure après l'annonce de la ministre, intitulé: «Aucune perturbation d'exploitation à Air Canada».

«Compte tenu de la saisie du dossier par le CCRI, l'AIMTA ne peut entamer de grève et Air Canada ne peut mettre ses pilotes en lock-out, à tout le moins jusqu'à ce que le Conseil se soit prononcé sur cette question», peut-on lire.

«Il n'y aura donc aucune perturbation d'exploitation, et Air Canada continuera d'assurer tous les vols à son horaire.»

On ignore le temps que pourrait prendre l'examen du dossier: personne au Conseil n'a rappelé La Presse Affaires.

À l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale (AIMTA), le ton était celui de la consternation.

«Ce n'est pas de bon augure, encore une fois. J'ai l'impression qu'on va se faire enlever encore nos droits de négociations et de grève. C'est vraiment dégueulasse, ça n'a pas d'allure», a réagi Marcel Saint-Jean, président de la section locale 1751 de l'AIMTA.

Ce n'est pas la première fois que la ministre Raitt intervient dans les conflits de travail à Air Canada. Le mois dernier, elle avait imposé une période de médiation de six mois après que les pilotes d'Air Canada eurent voté massivement en faveur d'une grève.

En septembre 2011, elle avait aussi menacé de forcer les agents de bord de la compagnie, qui venaient d'approuver le recours au débrayage, à retourner au travail même si une entente n'était pas conclue.

Mme Raitt avait formulé une menace similaire en juin 2011 pour mettre fin à une grève des agents du service à la clientèle de l'entreprise, après trois jours de débrayage.

Les employés évoquent les sacrifices faits en 2003 pour sauver la compagnie pour obtenir certains avantages.

Les syndicats ont trouvé suspecte la soudaine présentation d'une offre finale d'Air Canada à ce stade-ci des négociations, assortie d'une menace de lock-out.

«Après s'être engagée dans un processus de médiation fédéral qui devait durer 180 jours, la compagnie a plutôt choisi de déposer ce qu'elle a appelé une offre finale, seulement 23 jours après le début de ce processus», a dénoncé l'Association des pilotes d'Air Canada par voie de communiqué hier. Elle a recommandé à ses membres de voter contre cette offre patronale.

À Ottawa, les partis de l'opposition ont fait écho à ces préoccupations syndicales. «C'est comme si Air Canada et la ministre se sont parlé», a noté le porte-parole du NPD dans le dossier, Yvon Godin.

«Ce qu'ils sont en train de faire, c'est enlever le droit de négociation libre, le droit de grève aux travailleurs», a-t-il ajouté.

Le Parti libéral a semblé être du même avis. «Je ne pense pas qu'Air Canada aurait fait cela si elle n'avait pas eu un signal du gouvernement à l'effet que tout le monde serait forcé de rester au travail», a renchéri le chef intérimaire du Parti libéral, Bob Rae.

«Ils nous mettent tous dans une position très difficile.»