Une ligne ferroviaire à haute vitesse reliant les villes de Québec et de Windsor, qui comprendrait notamment des arrêts à Montréal, Ottawa et Toronto, est tout à fait réalisable, conclut une volumineuse étude rendue publique lundi après-midi à la suite de certaines pressions.

Les documents du consortium EcoTrain, dont la synthèse à elle seule compte 244 pages, signalent que le premier passager pourrait monter à bord en 2025, à condition que les trois gouvernements impliqués dans la mise en oeuvre de ce projet d'infrastructure de grande envergure se décident à donner le coup d'envoi au projet dès cette année.

L'étude avait été mise en ligne à la mi-octobre sur le site du groupe de pression High Speed Rail Canada. Son président, Paul Langan, avait alors reproché au gouvernement fédéral de ne pas avoir publié les résultats de cette étude financée par les contribuables.

«Les contribuables ont le droit de la voir. Nous l'avons publiée sur notre site Internet. Le Canada a 30 ans de retard sur le reste des pays développés en matière de transport ferroviaire. C'est une honte nationale», avait déclaré M. Langan par voie de communiqué.

Québec avait reçu les documents en question à la mi-février, en version anglaise seulement, selon Guillaume Lavoie, conseiller en affaires publiques pour le ministère des Transports du Québec (MTQ). Les trois gouvernements ont finalement convenu de publier l'ensemble des documents officiels lundi après-midi, a-t-il précisé.

Deux technologies ont été évaluées pour les besoins de l'étude: une rame de 400 voyageurs propulsée au diesel pouvant rouler à 200 km/h (F200+) et une rame électrique de 400 voyageurs pouvant circuler à 300 km/h (E300+).

La seconde option serait légèrement plus coûteuse, mais nettement plus rapide. Les coûts d'immobilisations de la technologie E300+ ont été évalués à 21,3 milliards de dollars, tandis que la mise en oeuvre du scénario du F200+ impliquerait des coûts de 18,9 milliards de dollars.

Les deux options réduiraient de façon significative les temps de déplacement entre les principales villes du corridor par rapport à ceux qui sont actuellement en vigueur grâce au service ferroviaire de VIA Rail.

Un voyageur mettrait par exemple 2h47 (E300+) ou 3h38 (F200+) au lieu des 5h12 présentement nécessaires afin de parcourir la distance entre les centres-villes de Montréal et Toronto. Le trajet Montréal-Québec prendrait dorénavant 1h26 (E300+) ou 1h49 (F200+) au lieu des 3h09 qu'il faut prévoir à l'heure actuelle.

«Ce que l'étude nous dit, c'est que c'est techniquement réalisable, mais on n'est pas encore rendus à un échéancier», a exposé Guillaume Lavoie.

«L'analyse doit se poursuivre à partir de ces données-là. La prochaine étape, c'est que les ministres des Transports du Québec, de l'Ontario et du Canada se rencontrent pour décider des prochaines étapes pour ce projet-là, qui est évidemment un très gros projet», a-t-il ajouté.

Le ministre titulaire du MTQ, Pierre Moreau, s'est réjoui des conclusions de cette étude en indiquant par voie de communiqué que «le gouvernement du Québec tient à réaffirmer son grand intérêt pour le projet de train à haute vitesse dans le corridor Québec-Windsor, qui apparaît comme une voie d'avenir».

Son homologue à Queen's Park, le ministre Bob Chiarelli, a pour sa part déclaré que son gouvernement «collaborera avec les gouvernements du Canada et du Québec pour déterminer les prochaines étapes (...) et pour aider nos économies à prospérer».

Transports Canada n'était pas en mesure de commenter l'étude lundi soir.

Les trois partenaires devront évidemment s'entendre sur la question du financement. Deux scénarios sont envisagés dans l'étude: le projet pourrait être entièrement financé par des fonds publics ou partiellement financé par le secteur privé.

«Le résultat de ce calcul-là, et c'est ce qui est intéressant, c'est qu'il y aurait une certaine rentabilité après 30 ans d'exploitation d'un train financé exclusivement par le secteur public», a exposé Guillaume Lavoie.

Le rapport souligne en effet qu'«étant donné que le secteur privé s'attend à des taux de rendement plus élevés, le rendement financier se révèle moins favorable aux gouvernements en cas de (participation du secteur privé) par rapport à un financement exclusivement public». Le taux de rendement financier du secteur public «serait négatif pour les deux technologies» dans l'éventualité d'un investissement du privé.

Dans un cas comme dans l'autre, EcoTrain recommande la création d'une Agence du transport ferroviaire à haute vitesse, un organisme qui superviserait la conception et la construction du réseau et qui l'exploiterait à des fins commerciales.

Des études environnementales devraient également démarrer dès les premiers balbutiements du projet, soit en même temps que l'étude du tracé. Transports Canada assumerait le rôle d'«autorité responsable» aux termes de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, et les processus d'évaluation environnementale de l'Ontario et du Québec devraient être suivis, précise EcoTrain.

Si le projet voit le jour, il aura un certain impact sur l'achalandage du transport aérien. À ce chapitre, les compagnies aériennes essuieraient, selon l'étude, une baisse de 31 pour cent de la clientèle pour le F200+ et de 36 pour cent pour l'E300+. Ce transfert projeté de l'achalandage du transport aérien vers le THV «aurait une incidence directe sur les frais d'améliorations aéroportuaires imposés aux usagers des divers aéroports», suggère le rapport à la page S-22 de la synthèse.

L'étude multipartite publiée lundi a été réalisée par EcoTrain, un consortium de cinq entreprises d'experts-conseils, soit Dessau, MMM Group (anciennement Marshall Macklin Monaghan Limited), Wilbur Smith & Associates, Deutsche Bahn International et KPMG. Elle avait été commandée par les trois gouvernements concernés.