La décision n'est pas encore finale, mais Embraer (ERJ) ne lancera probablement pas un concurrent direct de la CSeries, de Bombardier (T.BBD.B).

«Il est peu probable qu'on aille de l'avant pour l'instant, la conjoncture n'est pas favorable, a déclaré le président et chef de la direction d'Embraer, Frederico Fleury Curado, au cours d'une téléconférence vendredi dernier. Dans cinq ans, ça pourrait être différent, mais pas à l'heure actuelle.»

Il a indiqué que c'était essentiellement la question du rendement du capital investi qui inquiétait l'entreprise. Le lancement d'un nouvel appareil exigerait des investissements de «quelques milliards de dollars». Il faudrait produire un grand nombre d'appareils pour justifier cette somme. Or, le marché que pourrait viser ce nouvel appareil se rétrécit sans cesse étant donné le succès que connaissent les versions remotorisées de l'A320. le Neo, et du Boeing 737, le Max.

«Ce sont des entreprises qui sont beaucoup plus grosses que la nôtre, a fait remarquer M. Curado. C'est là où se situe le risque.»

Il a ajouté que la famille de biréacteurs régionaux d'Embraer, les E-Jets, était encore très jeune. Les deux derniers membres de cette famille, le 190 et le 195, ont été certifiés en 2006.

«Je pense que cette famille a un potentiel pour une très grande longévité, a-t-il déclaré. Je regarde le programme du 737, que Boeing a très bien géré au cours des 40 dernières années. C'est un modèle qui montre comment un produit peut demeurer très attrayant et très concurrentiel.»

Il a indiqué qu'Embraer discutera avec ses clients au sujet d'améliorations à apporter à ses E-Jets, comme un nouveau moteur, mais que cela ne se concrétisera probablement pas avant la fin de la décennie.

La mise au point de M. Curado n'a pas surpris les analystes.

«Embraer a toujours dit qu'elle était à l'aise avec le segment de marché qu'elle avait choisi, et elle y connaît du succès», a noté Adam Pilarski, vice-président de la firme de consultation américaine Avitas, dans une entrevue téléphonique avec La Presse Affaires.

Selon lui, la décision d'Embraer de ne pas lancer un appareil de la taille de la CSeries ne devrait pas avoir un énorme impact sur le paysage concurrentiel auquel fait face Bombardier.

«Personne ne disait qu'il voulait voir ce que ferait Embraer avant de prendre une décision, alors que plusieurs attendaient de voir ce que feraient Airbus et Boeing», a-t-il soutenu.

M. Pilarski a affirmé que la CSeries avait réussi à inquiéter Airbus, qui a alors répliqué avec le NEO. «La tactique semble avoir fonctionné, a-t-il commenté. Depuis ce temps, la CSeries n'a enregistré aucune grosse commande.»

L'analyste Richard Aboulafia, de Teal Group, a abondé dans son sens. «C'est évident qu'Airbus est déterminé à écraser la CSeries, a-t-il déclaré. Je serais heureux si Bombardier parvenait à conserver toutes les commandes qu'elle a déjà.»

M. Pilarski soutenu que la CSeries avait un autre problème: «C'est un très bon appareil, mais certaines de ses caractéristiques, comme son long rayon d'action, n'ont pas d'attrait pour le marché européen.»

«Les clients ne veulent pas payer pour quelque chose dont ils n'ont pas besoin, a-t-il affirmé. A-t-on besoin d'une voiture ultra perfectionnée par aller à l'épicerie?»

Le porte-parole de Bombardier Avions commerciaux, John Arnone, a affirmé que l'avionneur s'était toujours attendu à une réplique d'Airbus et Boeing. Il n'a pas voulu commenter spécifiquement le retrait probable d'Embraer du champ de la CSeries.

«Ça clarifie le paysage concurrentiel», a-t-il simplement déclaré.