La menace russe se précise pour Bombardier et son avion amphibie.

La France, l'un des principaux exploitants du Bombardier 415, a passé une partie de l'été à évaluer les performances du Beriev Be-200, un avion de lutte contre les incendies conçu par Beriev et fabriqué par Irkut, deux sociétés russes.

«Nous avons fait l'expérimentation du Beriev pendant un mois, une initiative qui est entrée dans le cadre de l'expérimentation de différents types de bombardiers d'eau afin d'évaluer leur performance, leur capacité, a déclaré le porte-parole de la Direction de la sécurité civile française, le lieutenant-colonel Florent Hivert, en entrevue téléphonique avec La Presse Affaires. À terme, il va falloir remplacer notre flotte, mais, pour l'instant, il n'y a pas encore de décision.»

La Direction de la sécurité civile exploite 12 avions amphibies Bombardier 415, acquis à partir de 1995. Ces appareils à turbopropulsion peuvent emporter 5800 litres d'eau ou de produits retardants. Elle exploite également neuf avions Tracker, des appareils qui peuvent emporter 3300 litres d'eau ou de produits retardants mais qui doivent faire le plein au sol. Il s'agit de vieux appareils américains, construits en 1957, qui ont été modernisés et rééquipés et vendus à la France au cours des années 80. La sécurité civile peut également compter sur deux appareils Dash 8, qui peuvent être transformés et transporter du personnel en dehors de la saison des incendies, et sur une douzaine d'hélicoptères.

«Ce sont les Trackers qui devront être remplacés prochainement, a indiqué M. Hivert. Le remplacement des Canadairs [les Bombardier 415] n'est pas aussi imminent, mais, à terme, il faudra aussi les remplacer. Tous les avions vieillissent: à un moment donné, il faut soit prolonger leur existence, soit les remplacer par de nouveaux types d'appareils.»

Comme le Bombardier 415, le Beriev 200 est un avion amphibie. Il s'agit toutefois d'un avion à réaction qui peut emporter jusqu'à 12 000 litres d'eau.

La sécurité civile a eu l'occasion d'évaluer le Beriev 200, un biréacteur, en 2003, mais elle n'avait pas passé de commande. La société Beriev a profité d'un changement de conjoncture pour repasser à l'attaque.

En juin dernier, la Russie a signé une entente pour acquérir deux navires de guerre français Mistral. Au cours d'une conférence de presse commune avec son homologue russe Vladimir Poutine, le premier ministre français François Fillon a fait valoir que cette transaction constituait une décision stratégique majeure qui laissait présager la création d'un vaste espace économique couvrant l'Europe et la Russie. Il a ajouté que, dans le cadre de cette coopération, la France allait regarder de près le Beriev 200.

La semaine dernière, le directeur général de Beriev, Viktor Kobzev, a affirmé que la France pourrait bientôt signer un contrat avec la Russie.

«Nous pensons que le premier lot se composera de deux à quatre appareils et, en principe, si tout va bien, nous pouvons compter sur la livraison de 12 à 15 avions», a-t-il déclaré, cité par l'agence Interfax et l'AFP.

Une porte-parole de Bombardier a affirmé que la société montréalaise ne voulait pas faire de commentaires sur les produits de ses concurrents.

Toutefois, dans une entrevue accordée à La Presse Affaires en mars 2004, le président de Bombardier Avions amphibies, Michel Bourgeois, avait affirmé que le fait d'être un avion à réaction pouvait désavantager le Beriev 200. Si celui-ci peut se rendre rapidement sur le lieu d'un incendie, il est trop rapide et pas assez maniable pour faire un bon travail dans la lutte contre les flammes.

«Notre appareil peut descendre dans les vallées, contourner les montagnes et remonter à pic après avoir déversé l'eau, ce que l'appareil d'Irkut ne peut pas faire, avait soutenu M. Bourgeois. Le Beriev est plus adapté en terrain plat, mais les incendies ne sont pas toujours en terrain plat.»