Au moment où les travaux d'infrastructure et la congestion routière ont des impacts «inquiétants» sur les travailleurs montréalais, Transport Québec a suspendu un programme de subvention qui était justement destiné aux entreprises qui veulent aider leurs employés à utiliser le transport collectif.

Fin mars, Transports Québec a cessé de subventionner les entreprises qui embauchent des «centres de gestion des déplacements» (CGD). On compte six de ces organismes à but non lucratif dans les grandes villes du Québec, et deux autres vont ouvrir leurs portes bientôt. Elles agissent comme consultants auprès des sociétés qui souhaitent encourager leurs employés à utiliser le transport en commun ou à faire du covoiturage.

Malgré la multiplication des cônes orange sur nos routes, les employeurs sont de moins en moins nombreux à retenir les services des CGD depuis que Québec a cessé de les subventionner.

Le Programme d'aide gouvernementale aux modes de transport alternatifs à l'automobile finance différents projets qui visent à diminuer l'utilisation des voitures. Il permettait notamment aux entreprises de toucher jusqu'à 35 000 $ lorsqu'elles embauchaient un CGD pour sonder leurs employés, préparer un plan d'action et faire la promotion des transports collectifs en milieu de travail.

Ce volet du programme a été suspendu. Les sommes économisées par le gouvernement ont été réinvestis pour développer des services supplémentaires en transport collectif, a-t-on indiqué au bureau du ministre Sam Hamad. «Pour pallier cette réallocation, le Ministère a maintenu sa subvention annuelle au CGD afin de s'assurer que les entreprises puissent être accompagnées lorsqu'elles désirent entreprendre un virage vers les transports collectifs», a indiqué l'attaché de presse du ministre, Harold Fortin. N'empêche, estime Anne Auclair, présidente de l'Association des centres de gestion des déplacements, la décision est survenue à un bien mauvais moment.

«C'est un peu contradictoire, dénonce-t-elle. On investit grandement dans de nouveaux réseaux de transport et de nouvelles routes, alors que les programmes que nous proposons aux entreprises servent à optimiser les infrastructures de transport qui existent déjà.»

L'organisme Voyagez Futé, à Montréal, conseille en outre Pratt & Whitney, Transat et Desjardins. Sa directrice, Bernadette Brun, affirme que la suspension du programme de subvention a effrayé bon nombre de clients potentiels.

«Il y a une trentaine d'entreprises pour qui on a développé des offres de services, relate-t-elle. Habituellement, sur une trentaine, on en a sept ou huit qui embarquent. Depuis que la subvention a été abolie, seulement deux ont embarqué.»

La Presse Affaires a révélé hier que les travaux routiers à Montréal ont des impacts «inquiétants» sur les travailleurs, selon un sondage mené pour l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés. L'enquête révèle que 55% des entreprises de la métropole subissent des impacts négatifs à cause des chantiers, notamment les retards, l'absentéisme, le stress et la fatigue.

«Si on ne peut pas aider les gens à trouver des solutions de rechange à l'automobile, j'ai l'impression que beaucoup de travailleurs vont remettre en question leur lieu d'emploi», estime Claude d'Anjou, directrice de l'organisme Mobiligo.

Florence Junca-Adenot a assisté à la naissance des centres de gestion des déplacements à l'époque où elle dirigeait l'Agence métropolitaine de transport. Selon elle, réduire le financement de leurs activités alors que les transports sont en crise dans la région métropolitaine constitue une grave erreur: 250 entreprises de la région ont pu mettre sur pied des programmes de transport grâce aux centres de gestion des déplacements.

«Nous avions en moyenne 1,2 personne par voiture à l'heure de pointe. Si nous avons pu passer à 1,4 ou 1,5 personne par voiture, c'est grâce à eux. Car c'est très difficile d'organiser le covoiturage autrement qu'à travers les entreprises», dit-elle.

En juin, la Ville de Montréal a demandé à Québec de maintenir les subventions aux employeurs qui utilisent les CGD. L'administration Tremblay estime que les coûts du programme sont bien petits à la lumière de son succès auprès des employeurs.

«Chez nous à Saint-Laurent, les programmes avec des compagnies comme L'Oréal et Bombardier ont fait leurs preuves, alors on souhaite ardemment que ce programme puisse être maintenu», a expliqué le maire de l'arrondissement de Saint-Laurent et vice-président du comité exécutif de la Ville de Montréal, Alan DeSousa.

«On est en pleine crise au niveau de la congestion routière, ces organismes-là aident les entreprises à trouver des solutions pour déplacer du personnel et là le gouvernement coupe ça, convient Nicolas Girard, député de Gouin et critique péquiste en matière de transports. Ça n'a aucun sens! Il y a quelqu'un quelque part qui n'a pas allumé et qui planifie mal!»