La société d'autopartage Communauto a mis en service l'un des plus importants parcs de voitures électriques en Amérique du Nord, hier. Elle est en voie d'acquérir 50 véhicules, une stratégie qui pourrait montrer la voie à d'autres entreprises, selon les experts.

Depuis hier, Communauto offre à ses membres la possibilité d'utiliser l'une des 15 Nissan Leaf qu'elle vient d'acquérir, 6 à Québec, 9 à Montréal. D'ici la fin de 2012, son parc comptera 50 de ces véhicules 100% électriques. Communauto compte 1150 autos à essence dans son parc au Québec.

Au total, c'est un investissement de 3 millions de dollars. Communauto paiera les trois quarts de la note pour acquérir les voitures et modifier ses stations. Québec versera une subvention d'un demi-million en vertu du programme incitatif pour l'achat de véhicules verts. Hydro-Québec va pour sa part investir 125 000$ pour payer les bornes de recharge.

Plus cher à l'achat

Malgré les subventions, ces nouvelles voitures coûteront presque deux fois plus cher à l'achat que les Toyota Yaris qui constituent le gros du parc actuel de Communauto. Comment cette entreprise, dont le chiffre d'affaires s'élève à 15 millions, va-t-elle rentabiliser un tel investissement?

«La question, du point de vue économique, c'est de savoir si l'économie d'essence va nous permettre de compenser le coût plus important à l'achat», résume le président de Communauto, Benoît Robert.

Pour que les revenus des tarifs égalent les dépenses pour l'achat et l'entretien de ses voitures, Communauto calcule que chacun de ses véhicules doit parcourir environ 80 kilomètres par jour. Ce calcul reste à peu près le même pour les voitures électriques, puisque le coût d'achat plus élevé sera compensé par les économies liées au carburant. En revanche, l'autonomie limitée de la Leaf pourrait faire en sorte que les membres du service ne s'en servent que sur de courtes distances.

L'entreprise va former un groupe de membres qui testeront la Leaf dans les prochaines semaines. Pour l'heure, elle exigera le même tarif pour utiliser les voitures électriques que pour les modèles conventionnels.

Un virage électrique?

L'exemple de Communauto pourrait bien faire boule de neige chez les entreprises, croient les experts. Selon Hélène Lauzon, qui dirige le Conseil patronal de l'environnement du Québec, plusieurs sociétés qui exploitent des parcs de véhicules songent sérieusement à prendre le virage électrique.

«À ce moment-ci, ça ne fait que quelques mois que les entreprises subissent les contrecoups de la hausse du prix du pétrole, souligne-t-elle. Celles qui n'avaient pas encore regardé leur plan d'affaires pour voir s'ils allaient migrer vers les voitures électriques sont certainement en train de le faire.»

Chose certaine, la multiplication des véhicules électriques pourrait rapporter des dizaines de millions par année à Hydro-Québec, indique son directeur de planification stratégique, Pierre-Luc Desgagnés. La société d'État teste déjà des prototypes à Boucherville en collaboration avec Mitsubishi. Elle s'est aussi associée à des entreprises comme Metro, Rona et St-Hubert pour déployer des bornes de recharge dans ces commerces.

M. Desgagné estime que les services d'autopartage et les parcs commerciaux constituent justement des niches potentielles pour ces véhicules verts.

«Ce genre de projet nous permet d'avoir une porte d'entrée, une carte de visite», a-t-il indiqué.

Mais plusieurs sociétés hésitent. D'abord parce que la gamme de véhicules électriques est encore restreinte, ensuite parce qu'ils coûtent beaucoup plus cher à l'achat.

«Le développement durable, financièrement, à court terme, ce n'est pas très bénéfique», convient Claude d'Anjou, qui dirige Mobiligo, un consultant en transport durable.

Selon elle, il sera difficile d'inciter les sociétés à délaisser leurs véhicules à l'essence sans subventions, à moins que le prix de l'essence augmente encore de beaucoup.

Les entreprises jointes hier n'avaient d'ailleurs pas encore pris de décision quant à l'utilisation des voitures électriques. C'est le cas des Rôtisseries St-Hubert, qui participent justement au projet pilote à Boucherville en plus de déployer des bornes dans certains de leurs établissements. L'entreprise n'exclut pas d'utiliser ces véhicules pour livrer son célèbre poulet, mais elle en est encore à calculer si une telle mesure en vaudra le coût.

«L'intérêt est là, explique la porte-parole de l'entreprise, Josée Vaillancourt. On verra dans les prochaines années, selon le résultat des tests, si c'est quelque chose qu'on veut implanter.»

Même son de cloche chez Bell, qui songe pour sa part à se doter de véhicules hybrides.

«Le principal défi auquel nous devons faire face avec les véhicules électriques est que la charge ou le poids que peut supporter un véhicule électrique est pour l'instant moins grand qu'un véhicule à essence, explique la porte-parole de l'entreprise, Marie-Ève Francoeur. Avec tout l'équipement que doivent transporter nos techniciens, les véhicules utilitaires ou les petits camions offerts sur le marché ne peuvent pas transporter un poids si grand.»