Unis sous une même bannière depuis quelques heures à peine, les deux chantiers maritimes Davie et Upper Lakes ont déposé jeudi, à la dernière minute, leur candidature en vue d'obtenir leur part des 35 milliards $ de contrats fédéraux à octroyer pour construire des navires de la Défense nationale.

La date limite pour déposer une offre avait été fixée par Ottawa au jeudi 21 juillet à 14 heures.

Le nouveau consortium, formé de la firme ontarienne Upper Lakes, SNC-Lavalin et la sud-coréenne Daewoo, a expédié son dossier de 2000 pages à Ottawa, tout de suite après avoir obtenu le jour même l'aval du tribunal pour acquérir la Davie, lui évitant ainsi une fermeture certaine.

Davie a donc gagné sa course contre la montre. Il reste maintenant à la nouvelle entité à gagner sa place parmi les finalistes, puis à remporter la mise, cet automne.

Chacun de leur côté, Upper Lakes et Davie s'étaient déjà préqualifiés pour poser leur candidature. Ensemble, les deux chantiers maritimes augmentent leurs chances de décrocher le gros lot. Il y a deux autres chantiers maritimes sur les rangs.

En conférence de presse, à Lévis, sur le site même du chantier naval, les nouveaux propriétaires de la Davie et les principaux acteurs de la transaction se sont montrés très déterminés à décrocher les contrats du fédéral et très confiants d'y arriver.

Le vice-président principal de SNC-Lavalin, Armand Couture, a précisé que l'appel d'offres fédéral visait à la fois des navires de guerre et d'autres à usage civil, comme les brise-glaces et les navires de recherche, et que Davie avait postulé pour le deuxième groupe.

«Notre objectif, c'est d'essayer de gagner le prix numéro un - l'or - pour le concours des bateaux non combattants. Ceci nous amène possiblement des contrats de l'ordre de plusieurs milliards $», a-t-il dit, estimant les chances de Davie excellentes du seul fait que la structure du nouveau consortium avait été conçue sur mesure pour correspondre aux besoins du programme fédéral.

Le ministre québécois du Développement économique, Clément Gignac, a renchéri en affirmant que l'atout de la nouvelle Davie reposait sur son modèle d'affaires revu et corrigé, axé sur la sous-traitance, une convention collective à long terme, une hausse de la productivité et la création d'un consortium crédible.

Partant de là, Investissement Québec, qui demeure le principal créancier de Davie, a injecté 18,7 millions $ supplémentaires dans l'aventure, sous forme de prêt.

Le ministre Gignac fait miroiter «90 millions $ de retombées fiscales juste dans les cinq prochaines années» et en conclut qu'il s'agit d'un bon investissement, rejetant l'idée que Davie, constamment au bord de la faillite depuis des années, avait trop profité des fonds publics.

«Si Chantiers Davie, comme on le pense, va obtenir une partie du contrat des 35 milliards $ l'automne prochain, ce ne sera pas par charité, ce ne sera pas pour des raisons politiques, c'est qu'on aura la meilleure offre compétitive qui est présentement déposée au fédéral», a-t-il affirmé.

Le passé de Davie, un chantier perpétuellement au bord du gouffre, pourrait cependant noircir le portrait. Les dirigeants d'Upper Lakes sont les septièmes propriétaires de Davie en 20 ans.

Le vice-président exploitation d'Upper Lakes, Richard Bertrand, a convenu que, dans le passé, certains propriétaires «n'avaient jamais vu un bateau de leur vie», tandis que «vous avez devant vous des gens qui connaissent le tabac» et qui croient en l'avenir du chantier de Lévis.

Avant de participer à l'appel d'offres fédéral, Upper Lakes devait obtenir le feu vert de la Cour supérieure, chargée d'analyser sa proposition visant à acquérir les actifs de Davie, moyennant la somme de 28 millions $.

In extremis, le juge Étienne Parent avait donné son aval, jeudi matin à 9h00, après de longues tractations.

La firme ontarienne a réussi le tour de force de monter le dossier et présenter une offre d'achat jugée crédible par le tribunal en moins d'une semaine.

Les négociations avec Investissement Québec, principal créancier garanti de la Davie, se sont poursuivies jusque tard mercredi soir, au palais de justice de Québec, laissant planer le suspense sur l'issue des pourparlers.

Compte tenu de l'importance de l'enjeu, le juge Parent a dit vouloir donner toutes les chances aux parties, jusqu'à la dernière minute, de conclure une entente pour sauver l'entreprise.

L'audience devant le juge, d'abord prévue à 15 heures mercredi, avait été reportée d'heure en heure et maintes fois interrompue pour permettre aux avocats des deux parties de négocier les termes de la transaction.

Dans sa décision, le juge Parent a expliqué que l'urgence de prendre position dans ce dossier constituait «un élément incontournable dans l'analyse de la situation».

Il a aussi retenu que le contrôleur au dossier, Pierre Laporte, de la firme Deloitte & Touche, avait donné un appui inconditionnel au projet d'Upper Lakes, en estimant que sous sa gouverne, Davie «pourra reprendre ses activités au plus grand bénéfice des employés, des fournisseurs et des autres entreprises qui jouiront des retombées indirectes des activités du chantier maritime».

Dans ce contexte, l'offre de la firme ontarienne devenait une véritable bouée de sauvetage pour Davie, son «unique espoir de relance», aux yeux du juge.

Quant à eux, les créanciers n'auront qu'un million de dollars à se partager de la trentaine de millions qui sont dus. L'un d'eux, Ocean Hotel, était présent en cour mercredi pour contester le projet d'acquisition, faisant valoir que la transaction le priverait de recours.

Le chantier maritime Davie était placé sous la protection de la Loi des arrangements avec les créanciers depuis le 25 février 2010.