Boeing a remporté jeudi pour la deuxième fois le méga-contrat des avions ravitailleurs de l'Armée de l'air américaine, écrasant son concurrent Airbus qui était pourtant donné favori après des années de rebondissements politico-juridiques.

«Aujourd'hui, sur la base de critères bien évalués (...) nous annonçons que l'Armée de l'air a choisi la proposition avancée par l'entreprise Boeing», a déclaré le secrétaire à l'Armée de l'air, Michael Donley, lors d'un point de presse au Pentagone.

M. Donley a précisé que le contrat, portant sur 179 appareils, était évalué à «plus de 30 milliards de dollars». Dix-huit avions devront être livrés d'ici 2017.

«Boeing l'emporte haut la main», a noté le secrétaire adjoint à la Défense, William Lynn, comme on lui demandait s'il avait été difficile de trancher entre les deux avionneurs pour ce contrat, l'un des plus disputés de l'histoire de l'aéronautique.

M. Donley a assuré que la commande avait été attribuée au terme d'un processus de sélection «équitable, ouvert et transparent». Il a espéré que «les deux parties respecteront cette décision et permettront à cette importante acquisition d'avancer sans obstacle».

Des experts du secteurs s'attendent en effet à ce qu'EADS fasse appel, ce qui bloquerait le contrat. Avant son annonce, Michael Boyd, président d'un cabinet spécialisé dans l'aéronautique, avait pronostiqué que, quelle que soit la décision du Pentagone, l'un des deux groupes ferait appel, de même que les États américains qui se sentiraient lésés.

Faisant remarquer que l'avion de Boeing n'a jamais volé, EADS s'est dit «déçu» et «inquiet» de la décision américaine, sans indiquer s'il comptait faire appel, comme il en a la possibilité.

Boeing a affirmé être «honoré» par la décision du Pentagone et «prêt» à produire les appareils qui permettront à l'armée de l'Air américaine de continuer à se déployer dans le monde entier.

Le contrat est destiné à remplacer la flotte vieillissante des KC-135 qui datent des années 50.

L'histoire de l'appel d'offre est émaillée de coups de théâtre, notamment d'un scandale de conflit d'intérêts. Le contrat a été annulé à deux reprises, après avoir été attribué une première fois à Boeing en 2003, puis une deuxième en 2008 à Airbus et son allié américain Northrop Grumman.

EADS, maison mère d'Airbus, s'était lancé cette fois-ci sans partenaire principal, mais avec le soutien de centaines d'équipementiers américains.

EADS vantait la version militaire de son Airbus A330, le KC-45, comme «le seul véritable avion-ravitailleur déjà en activité». L'Européen, qui avait revu la semaine dernière ses prix à la baisse, avançait que sa production aux États-Unis générerait 48.000 emplois dans le pays.

Boeing affirmait de son côté que son appareil offrait «une consommation de carburant inférieure de 24% à celle de l'appareil proposé par EADS», et qu'il soutiendrait 50 000 emplois aux États-Unis.

La bataille entre les deux géants aéronautiques s'est doublée d'une bagarre politique à Washington.

Patty Murray, sénatrice de l'État de Washington où Boeing a prévu de construire les ravitailleurs dans son usine d'Everett, a salué «une victoire majeure pour les travailleurs américains, l'industrie aéronautique et spatiale américaine et l'armée américaine».

En revanche, les élus de l'Alabama, où aurait été assemblé le ravitailleur d'Airbus, soutenaient l'européen.

Le président du syndicat AFL-CIO, Richard Trumka, a salué «un énorme coup de pouce pour les travailleurs américains et l'objectif du président Obama de créer des emplois dans le pays».

La commission de la Défense de la Chambre des représentants a annoncé qu'elle allait organiser une audition pour s'assurer que l'évaluation faite par le Pentagone a bien été «transparente et juste pour chaque concurrent».