Les Russes devront ouvrir leur propre marché s'ils souhaitent vendre leurs avions dans les pays occidentaux, prévient le président et chef de la direction de Bombardier (T.BBD.B), Pierre Beaudoin.

«Je pense que s'ils veulent vraiment faire concurrence dans le reste du monde, ils vont devoir laisser les fabricants comme Bombardier et Embraer vendre en Russie», a-t-il déclaré au cours d'une entrevue accordée à La Presse Canadienne.

La société russe Sukhoi est à mettre au point le Superjet 100, un avion régional de 75 à 95 places qui cible le marché que se partagent actuellement les CRJ de Bombardier et les ERJ d'Embraer. Jusqu'ici, l'appareil fait l'objet d'environ 170 commandes placées par des transporteurs de Russie, d'Arménie, d'Indonésie, de Thaïlande, des Bermudes et du Mexique.

«Ils sont arrivés chez certains clients avec des propositions de financement qui sont clairement en dehors de l'Aircraft Sector Understanding (ASU), a indiqué M. Beaudoin. Cela nous inquiète comme industrie parce qu'on veut faire concurrence sur la base des produits et non pas sur la base d'un financement qui serait considéré illégal.»

L'ASU est l'accord de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui régit le financement d'avions dans les pays occidentaux. Il est sur le point d'être remplacé par une nouvelle entente qui a été conclue à la fin de 2010 par les États-Unis, l'Union européenne, le Canada, le Brésil et le Japon.

Les Russes «peuvent peut-être offrir (un financement hors normes) quelques fois, mais à un moment donné, s'ils veulent aussi participer dans nos marchés, ils vont devoir respecter certaines règles», a martelé le grand patron de Bombardier.

Accord avantageux

Ce dernier se réjouit par ailleurs du nouvel accord, qui sera signé officiellement le 25 février au siège de l'OCDE, à Paris.

«C'est une entente sur le financement des appareils qui va permettre aux compagnies comme Bombardier et Embraer d'offrir du financement à des clients à travers le monde», a commenté Pierre Beaudoin. L'entente s'appliquera aussi en Europe et aux États-Unis, des territoires jusqu'ici couverts par une entente de réciprocité conclue par Boeing et Airbus.

«C'est en ligne avec ce qu'Exportation et Développement Canada (EDC) faisait déjà (...), c'est-à-dire que ce sera un financement plus compétitif basé sur la force financière du pays dans lequel on vend et sur celle de la compagnie aérienne, a-t-il ajouté. Ça confirme que la solution canadienne était une bonne solution depuis longtemps.»

Le dirigeant a tenu à féliciter les négociateurs fédéraux. «Le Canada a fait du bon travail et a réussi à se faire respecter dans le monde de l'aéronautique», a-t-il estimé.

Au-delà des questions de financement, Bombardier prend au sérieux la concurrence de Sukhoi, même si le Superjet 100 accuse plus de deux ans de retard (les premières livraisons étaient prévues pour la fin 2008 et n'ont toujours pas eu lieu).

«Ça va être un compétiteur sur la scène internationale, mais notre produit est supérieur», a assuré M. Beaudoin.

Pour l'instant, Sukhoi est seule en piste en Russie dans le segment des avions de 60 à 100 places. Moscou n'a toujours pas certifié les appareils CRJ700 (70 places), CRJ900 (90 places) et CRJ1000 (100 places) de Bombardier, pas plus que les avions de même taille d'Embraer.

Bombardier fait toutefois de bonnes affaires en Russie avec les CRJ200 (50 places), les turbopropulsés Q400 ainsi que les jets d'affaires Challenger et Global, qui ont tous reçu leur certification de Moscou.

En fin d'après-midi, lundi, l'action de Bombardier perdait 0,8 pour cent pour s'échanger à 6,08 $, à la Bourse de Toronto.