Les avions de Bombardier atterrissent parfois dans des endroits inusités. Comme dans les palais de justice. Ou dans des documents secrets du gouvernement américain dévoilés par WikiLeaks.

Dans un câble confidentiel envoyé au secrétariat d'État en janvier 2010, un responsable du consulat américain à Dubaï signale la présence de deux mystérieux biréacteurs régionaux CRJ de Bombardier qui semblent abandonnés dans un aéroport endormi de la région.

Le câble porte essentiellement sur les efforts de la dirigeante de l'aéroport Ras Al Khaima, Michelle Soliman, pour revitaliser l'infrastructure après la suspension des vols de son unique transporteur commercial, RAK Airways. L'auteur du câble écrit qu'il ne s'agira probablement pas d'une mince tâche, notamment parce que l'aéroport était utilisé par une société aérienne liée au marchand d'armes russe Victor Bout, visé par des sanctions des Nations unies.

«Soliman a aussi désigné comme suspects deux nouveaux CRJ de Bombardier valant 50 millions US abandonnés par leurs propriétaires immédiatement après leur arrivée, ajoute l'auteur du câble. Soliman a affirmé qu'il était impossible de joindre les propriétaires, bien que des employés de maintenance se présentent de temps à autre.»

Photo révélatrice

Sur une photo satellite disponible sur GoogleMaps, il est effectivement possible de voir les deux appareils CRJ sur le tarmac, à une extrémité de l'aéroport. Selon un employé de l'aéroport, cité par la publication spécialisée Flight International, les appareils sont là depuis plus de 18 mois.

L'origine des avions n'est cependant pas si mystérieuse que cela. Ils sont peints aux couleurs originales de Nur Avia, société mère de Tatarstan Airlines, qui a commandé six appareils CRJ900 de Bombardier en mai 2007.

Tatarstan Airlines a pris possession de deux premiers appareils en juillet, mais le transporteur s'est heurté à un obstacle de taille: les autorités russes ont tardé (et tardent toujours) à certifier cet avion de 86 places.

L'équivalent russe de Transports Canada avait pourtant certifié sans problème le CRJ200, un appareil de 50 places, et le turbopropulseur Q400 de Bombardier.

Une société russe, Sukhoi, est toutefois en train de mettre au point un biréacteur régional, le Superjet 100, qui visera le même marché que le CRJ900, soit celui des appareils de 90 à 100 places.

En attendant la certification du CRJ900, Tatarstan Airlines a fait savoir qu'elle tenterait de louer les deux premiers appareils à d'autres transporteurs. Bombardier n'a pas livré les quatre autres appareils destinés à Tatarstan Airlines, mais elle ne les a pas retirés non plus de son carnet de commandes.

«En ce qui nous concerne, le processus est en marche et nous espérons qu'il donnera lieu à une certification», a déclaré le porte-parole de Bombardier Avions commerciaux, John Arnone.

Interrogé sur l'endroit où se trouvent les deux premiers appareils, il s'est fait laconique.

«Aux dernières nouvelles, les CRJ de Tatarstan Airlines étaient à Dubaï», a-t-il indiqué.

Bombardier Avions d'affaires a également sa part d'affaires rocambolesques.

Vendredi dernier, les avocats de Bombardier ont déposé en Cour supérieure du Québec une poursuite contre un client qui a refusé de prendre livraison d'un biréacteur d'affaires Challenger 300.

Tahe Air Taxi Services a commandé l'appareil de près de 20 millions US en décembre 2006. L'entreprise turque de nolisement d'avions d'affaires devait prendre livraison du Challenger en juin 2008. Or, selon Bombardier, l'entreprise a trouvé prétexte sur prétexte pour retarder cette livraison. Tahe, qui s'est fait remplacer par la société Tegra en cours de route, mais qui était représenté par la même personne, Taner Yilmaz, a notamment réclamé de nouveaux appuis-pieds et une formation pour ses pilotes. Or, les pilotes n'étaient jamais disponibles pour les séances de formation offertes par Bombadier et la date de livraison a dû être retardée à plusieurs reprises.

L'appareil, doté de nouveaux appuis-pieds, était prêt le 17 décembre 2008.

«Étonnamment, le 29 décembre 2008, Tegra a avisé Bombardier qu'elle annulait l'entente d'achat parce qu'il y avait un «délai non excusable» dans la livraison de l'appareil», écrivent les avocats de Bombardier dans leur requête.

Bombardier réclame à Tegra 6 millions US de dommages en pertes de profits, coûts d'entreposage, coûts d'entretien et coûts de modification pour la revente. L'entreprise détient présentement un dépôt de 5,8 millions US versé par Tegra en vertu de l'entente d'achat.