Une menace plane au-dessus de la CSeries. Airbus devrait annoncer d'ici la fin de l'année qu'il dotera l'A320 de nouveaux moteurs, ce qui pourrait faire de l'ombre à la nouvelle famille d'appareils de Bombardier (T.BBD.B), et peut-être même carrément l'éclipser.





Akbar Al Baker, président et chef de la direction de Qatar Airways, a donné un avant-goût de cette situation hier, au cours d'une conférence de presse à Paris. Cela fait trois ans que Qatar Airways se montre intéressée à la CSeries, mais le transporteur n'a toujours pas passé de commandes.



«Nous avons des problèmes avec la CSeries qui n'ont toujours pas été réglés, a déclaré M. Al Baker. S'ils ne les règlent pas rapidement, l'A320 Neo (New Engine Option) va les éclipser.»

La semaine dernière, le chef de l'exploitation - clientèle d'Airbus, John Leahy, a fait savoir que l'avionneur décidera d'ici la fin de l'année s'il équipera l'A320 d'un moteur plus performant et, surtout, plus économique. L'A320 est le meilleur vendeur d'Airbus. Il peut compter de 150 à 180 sièges, ce qui est au-dessus du marché visé par la CSeries (de 110 à 130 sièges). Toutefois, l'A319, qui fait partie de la même famille que l'A320, peut accommoder de 124 à 160 passagers.

«Le conseil d'administration a déjà dit que l'analyste de rentabilité du projet était favorable, mais il faut voir si nous avons les ressources», a déclaré M. Leahy.

Il a affirmé qu'un nouveau moteur et l'ajout d'ailerons au bout des ailes de l'A320 permettraient à l'appareil d'offrir aux exploitants des économies de 15% en fait de consommation de carburant. Le Neo pourrait prendre son envol en 2015 ou 2016.

Plusieurs analystes s'attendaient à ce qu'Airbus travaille plutôt sur une modernisation complète de l'A320, ce qui aurait nécessité plusieurs années de plus. Un A320 revu et modifié serait entré en service après 2020.

La CSeries, de son côté, devrait entrer en service en 2013. La nouvelle famille d'appareils veut faire sa place en offrant de grandes économies en fait de consommation de carburant.

«Par conséquence, la fenêtre qui se présentait à Bombardier risque d'être plus courte que prévu initialement, soit deux ans au lieu de six», écrit Benoît Poirier, de Valeurs mobilières Desjardins, dans un rapport d'analyse.

Cette fenêtre plus étroite pourrait faire hésiter certains transporteurs.

«Si le Neo respecte nos critères avant la conclusion d'une entente au sujet de la CSeries, nous serons intéressés à l'appareil d'Airbus, a déclaré M. Al Baker, de Qatar Airways. Nous pourrions être un de leurs clients de lancement.»

Il a ajouté que Qatar pourrait quand même commander un certain nombre d'appareils de la CSeries pour certaines destinations.

Bombardier se défend

Les «problèmes avec la CSeries» évoqués par M. Al Baker portent surtout sur son moteur et sur les économies promises par son manufacturier, Pratt&Whitney.

Chez Bombardier, on minimise la menace que présente l'A320 Neo.

«Nous sommes très confiants face à la CSeries, a déclaré le porte-parole de Bombardier Aéronautique, Marc Duchesne. Ce n'est pas uniquement une question de moteur, mais aussi de structure et de design.»

Il a expliqué que le fait de prendre un appareil de conception ancienne et de le doter de nouveaux moteurs pouvait lui permettre d'offrir certaines économies, mais jamais autant qu'un appareil de conception nouvelle, fabriqué avec des matériaux plus légers.

«C'est un peu comme mettre un moteur de 2010 dans une automobile de 1980, a lancé M. Duchesne. Oui, elle ira plus vite et aura une moins grande consommation d'essence, mais elle demeurera plus lourde qu'un véhicule actuel.»

L'analyste Benoît Poirier demeure d'ailleurs confiant quant au succès de la CSeries. Il s'attend à ce que l'action de Bombardier descende un peu lorsqu'Airbus annoncera le lancement de l'A320 Neo, mais il croit que ce sera alors un bon moment pour faire l'achat du titre.

L'action de catégorie B de Bombardier a perdu 3 cents pour clôturer à 4,84$ hier à la Bourse de Toronto.