La papetière Cascades veut concrétiser un investissement de plusieurs millions de dollars dans une de ses usines québécoises. Tout est planifié: une augmentation des inventaires, un arrêt de travail de 25 jours et des ingénieurs pour superviser les travaux. Mais la nouvelle machinerie que veut installer Cascades est coincée au port de Montréal. Et la société ne sait pas quand elle pourra l'obtenir.
La mésaventure de Cascades n'est que l'impact le plus immédiat d'une série de conséquences économiques qu'entraînerait un arrêt de travail prolongé au port de Montréal. Pour les importateurs et les consommateurs, d'une part, mais aussi pour beaucoup d'entreprises exportatrices.
«C'est fondamental que le conflit se règle rapidement, ne serait-ce que parce que le pouls économique de Montréal en dépend beaucoup», soutient Claude Comtois, professeur de géographie et spécialiste du transport maritime à l'Université de Montréal.
Plusieurs centaines de conteneurs remplis de marchandises destinées au marché métropolitain débarquent chaque jour au port. «L'arrêt des opérations peut avoir un impact très important pour l'approvisionnement de biens de consommation, dès les prochains jours», soutient Claude Comtois. La marchandise qui arrive au port, des cotons-tiges aux pièces de moteur en passant par les meubles IKEA, en sort généralement en moins de 72 heures.
Sans port, c'est tout le vin d'Europe qui n'arrive plus jusqu'à nos lèvres. La Société des alcools du Québec confirme qu'elle peut suffire à la demande pendant quelques semaines. «Tout réside dans la durée du conflit», explique la porte-parole Linda Bouchard, en précisant que plusieurs vins d'Amérique ne transitent pas par le port de Montréal.
Bien au-delà de la région métropolitaine, «le port est un engin de la croissance économique du Québec, dit aussi Claude Comtois. C'est un de nos fleurons en matière d'infrastructure.»
«Le port est une infrastructure ]stratégique pour les exportateurs, affirme le président des Manufacturiers et exportateurs du Québec, Simon Prévost. Si le conflit perdure, on devra penser à des solutions de rechange, toutes plus coûteuses.»
Rediriger les produits à exporter vers New York ou la Virginie, par exemple, coûtent plus cher et prend plus de temps. Expédier la marchandise par avion est aussi beaucoup plus dispendieux.
Un conflit prolongé au port toucherait d'abord la rentabilité des entreprises, qui absorberaient le fardeau supplémentaire. À plus long terme, les entreprises n'auraient d'autre choix que de refiler les hausses de coûts à leurs clients, au prix d'une compétitivité plus faible.
Mais on n'en est pas encore là, précise M. Prévost. «Il n'y a pas d'inquiétude grave à l'heure actuelle, mais on suit le dossier avec un vif intérêt.»
Le port de Montréal est le plus important port de conteneurs de l'est du Canada. Il est le port de mer nord-américain le plus profondément avancé dans les terres (1600 km) et il offre la route la plus courte entre l'Europe et le Midwest. L'accès au système ferroviaire directement sur les quais est un de ses principaux avantages concurrentiels.
EN CHIFFRES
90%
Les marchandises importées au Québec qui passent par le port de Montréal
2100
Nombre annuel moyen de bateaux qui fréquentent le port (2005-2009)
2500
Mouvements de camions chaque jour (entrées et sorties)
80
Trains de deux kilomètres de long qui entrent et sortent du port chaque semaine
5400
Emplois directs dans le système portuaire et maritime à Montréal
Trafic annuel en tonnes (2009)
Marchandise: 11,4 millions
Vrac solide (grains, sel, fer, sucre, etc.): 5,3 millions
Vrac liquide (essence, mazout, mélasse, etc.): 7,8 millions
Trafic de conteneurs
En tonnes par type de produit (2009)
Produits forestiers: 1,6 million
Produits alimentaires: 1,3 million
Grains et céréales: 867 000
Produits métallurgiques: 595 000
Produits sidérurgiques: 477 000
Matériaux de construction: 373 000
Minerais: 364 000
Véhicules et accessoires: 247 000
Produits chimiques: 243 000
Produits textiles: 151 000
Divers: 5 millions
Source: Administration portuaire de Montréal