Le constructeur aéronautique américain Boeing a provoqué son adversaire européen Airbus en duel sur le dossier des avions ravitailleurs américains pour la troisième fois en neuf ans vendredi, en présentant à son tour son offre à l'armée de l'Air.

En 8000 pages, remises en mains propres à la base militaire aérienne de Wright-Patterson en Ohio où ce contrat est géré, Boeing détaille une proposition qui, selon lui, sera la plus économe.

Le constructeur américain propose une version modifiée de son long-courrier B767. Plus petit que l'A330 modifié que propose Airbus, il devrait consommer moins de carburant, et ne pas exiger la construction de nouveaux hangars.

«Ce ravitailleur révolutionnaire va concilier les capacités d'un appareil gros porteur avec l'impact d'un appareil à fuselage étroit», a souligné le directeur général de la division militaire de Boeing, Dennis Muilenburg, dans un communiqué.

Il sera «opérationnel sur tous les théâtres au départ de toute les bases et, avec un coût de fonctionnemment inférieur à tout autre dans cette compétition, il économisera à l'armée de l'Air et aux contribuables américains des milliards de dollars», a-t-il affirmé.

Airbus avait devancé l'échéancier de 24 heures en remettant dès jeudi un dossier de 8.819 pages, après avoir obtenu un délai de deux mois à la suite du retrait de son ancien partenaire Northrop Grumman.

L'avionneur européen s'est finalement allié à plus de 200 fournisseurs américains, certains participant aussi à l'offre concurrente de Boeing, comme Rockwell Collins (avionique et électronique embarquée).

C'est la troisième fois en moins de dix ans que les deux constructeurs s'affrontent pour décrocher ce qu'Airbus a qualifié jeudi de «marché du siècle», l'évaluant aux alentours de 40 milliards de dollars.

En 2003, le contrat avait été attribué à Boeing, avant la révélation d'un grave conflit d'intérêt qui avait contraint le Pentagone à relancer la procédure. En 2008, c'est Airbus qui l'avait emporté, avant que la Cour des comptes américaine juge le processus mal mené et annule le tout, une nouvelle fois.

Cette fois-ci, les militaires ont jusqu'à la mi-octobre pour étudier les offres dans les moindres détails, poser des centaines de questions et visiter des sites de production. Leur décision - qui sera susceptible d'un nouvel appel à la Cour des Comptes - est attendue à la mi-novembre.

Boeing, qui s'est associé à 800 fournisseurs répartis dans une quarantaine d'États, revendique un avion «tout américain» et ne cesse de mettre en avant les emplois créés aux États-Unis: 50 000 au total. Alors que l'appareil d'Airbus «est conçu et largement fabriqué en Europe», fait valoir l'avionneur qui a son siège à Chicago, fief du président Barack Obama.

Airbus assure que son projet créera 48 000 emplois aux États-Unis, et souligne que l'usine d'assemblage prévue à Mobile (Alabama, Sud) apportera un ballon d'oxygène à une région frappée de plein fouet par les conséquences de la marée noire dans le golfe du Mexique.

Bien qu'il soit plus gourmand en kérozène, Airbus a mis en avant les performances supérieures de son appareil par litre de carburant, en assurant qu'il allait au-delà des 372 exigences minimiales fixées par le Pentagone.

Airbus fait aussi valoir qu'il a remporté les cinq derniers appels d'offre pour la fourniture d'avions ravitailleurs dans le monde face à Boeing: outre celui remporté aux États-Unis avant d'être annulé, il vante des contrats obtenus en Grande-Bretagne, en Australie, en Arabie Saoudite et aux Emirats arabes unis.

Grâce à ces commandes, fait valoir Airbus, son appareil est pratiquement prêt. Boeing riposte en assurant avoir déjà livré quatre ravitailleurs basés sur le B767 au Japon, et remporté un contrat pour en fournir quatre à l'Italie.