C'est du jamais vu dans l'histoire du transport aérien. L'éruption volcanique en Islande a forcé la fermeture d'une grande partie du ciel de l'Europe. De nombreux passagers, coincés à l'étranger, doivent avoir recours à des frais de subsistance. Au Canada, les voyageurs qui devaient décoller pour l'Europe ont vu leur projet de voyage... s'envoler en fumée. Quels sont leurs droits?

À quoi les transporteurs aériens sont-ils tenus?

Les voyageurs qui sont bloqués à l'étranger peuvent s'attendre à ce que les compagnies aériennes les ramènent à bon port, sans avoir à payer quoi que ce soit. «L'obligation du transporteur aérien, c'est de les ramener à la maison», répond Jean Jacques Préaux, porte-parole de l'Office de la protection du consommateur (OPC).

Mais la plupart des transports accordent plus de latitude aux passagers. Par exemple, Air Transat offre différentes options aux passagers dont le vol a été annulé. Ils peuvent reporter leur voyage vers la même destination jusqu'au 31 mai, sans frais. Ils peuvent obtenir un crédit (plus 100$ par personne) pour voyager d'ici un an vers une destination équivalente de leur choix. Ou ils peuvent obtenir un remboursement complet. Seules les primes d'assurances voyage ne seront pas remboursées.

À quoi peut-on s'attendre comme dédommagement de la part des transporteurs?

«Malheureusement, à pas grand-chose», répond François Lebeau, avocat spécialisé dans les transports aériens chez Unterberg Labelle Lebeau. Selon la Convention de Montréal, les transporteurs aériens n'ont aucune responsabilité dans un cas de force majeure («Act of God»). Dans le cas d'une irruption volcanique, «le transporteur est entièrement exonéré pour les inconvénients que les passagers peuvent subir», dit Me Lebeau.

Il en va autrement si l'annulation du vol ne résulte pas d'un cas de force majeure (ex: problème mécanique). Dans ce cas, les passagers ont un recours en dommages et intérêts. Ils peuvent réclamer la différence de prix pour dénicher un mode de transport alternatif, le coût de chambre d'hôtel, des repas, des frais de communication, de pertes de revenus de travail.

Toutefois, il est plus difficile de réclamer des dommages moraux. «Auparavant, c'était clair, les passagers étaient remboursés», dit Me Lebeau. Mais un jugement rendu en 2007 a déterminé que les passagers ne pouvaient pas être indemnisés pour le stress et le désagrément qui résultent de l'annulation ou du retard d'un vol.

Peut-on faire une réclamation au Fonds d'indemnisation des clients des agences de voyages?

Bonne nouvelle: Oui! Le fonds peut être mis à contribution si le voyage a été acheté dans une agence de voyages du Québec détentrice d'un permis délivré par l'OPC, qui administre le Fonds.

«Le consommateur qui est en Europe, qui attend de revenir, pourra avoir accès au Fonds d'indemnisation pour obtenir le remboursement de dépenses de subsistance «raisonnables». Cela inclut par exemple l'hôtel, les repas, les frais d'interurbains», explique M. Préaux.

D'autre part, les voyageurs qui avaient réservé un voyage en formule «tout compris» vers l'Europe, mais qui n'ont pas pu partir, peuvent demander le remboursement au fournisseur de service. «S'ils ne l'obtiennent pas, ils ont accès au Fonds», ajoute M. Préaux.

Avec le Fonds, les clients peuvent obtenir jusqu'à 3000$ par personne, par voyage. Mais les réclamations totales sont plafonnées à 3 millions de dollars dans le cadre d'un seul événement.

Le Fonds vient en aide aux voyageurs qui n'ont pas reçu la prestation voyage qu'ils avaient payée. Il a souvent été utilisé dans des cas de faillite de transporteur aérien. Le Fonds a été créé en 2004, soit après les attentats du 11 septembre, et ce sera la première fois qu'il est mis à contribution pour un cas de force majeure.

Les voyageurs peuvent-ils être indemnisés par leur assurance voyage?

Même dans un cas de force majeure, les assurances voyage peuvent couvrir les frais que le fournisseur de la prestation de voyage (agence, voyagiste, transporteur, etc.) n'a pas voulu rembourser.

Mais c'est du cas par cas. «Il y a énormément de clauses et de conditions. Et les garanties varient considérablement d'une police à l'autre, et d'une compagnie à l'autre. Par exemple, certaines offrent une protection pour les frais de subsistance, d'autre non. On ne peut pas donner de directive générale, si ce n'est que d'appeler son assureur pour vérifier», dit Michel Courtemanche, directeur ventes et marketing à la Croix Bleue, qui a d'ailleurs noté une augmentation significative du nombre d'appels la fin de semaine dernière.

Les consommateurs l'oublient parfois, mais plusieurs cartes de crédit sont assorties d'un programme d'assurance voyage. Il vaut aussi la peine de vérifier. Par exemple, la carte platine de la Banque Nationale couvre jusqu'à 2500$ dans les cas de retard ou d'annulation de voyage.

EN CHIFFRES

80000 sièges de plus

La SNCF, la société française de chemin de fer, va proposer 80 000 places de plus cette semaine entre Paris et Londres pour faire face à l'afflux de voyageurs. Des tarifs préférentiels seront appliqués : 96 euros pour un trajet simple, au lieu de 245 euros la semaine dernière.

6,8millions

Nombre de passagers en Europe affectés par la suspension des vols aériens à la suite de l'éruption du volcan islandais.

200 millions

Depuis le début de cette crise, les entreprises perdent chaque jour quelque 200 millions de dollars américains, selon une estimation de l'Association internationale des transporteurs aériens.----------------

L'Europe prête à aider les transporteurs

AFP

BRUXELLES - L'Union européenne a rouvert hier certaines routes dans son espace aérien entravé pour la cinquième journée par des cendres volcaniques, alors que la grogne des compagnies d'aviation monte contre les gouvernements au fil des pertes financières qui s'accumulent.

La Commission européenne s'est dite prête à autoriser les États à verser des aides exceptionnelles aux compagnies, dont les pertes pourraient dépasser celles provoquées par les attentats de septembre 2001.

Les ministres des Transports de l'UE se sont réunis dans l'après-midi par vidéoconférence, pressés par les compagnies et les associations du transport aérien d'assouplir les restrictions de vol imposées face au nuage de cendres du volcan islandais Eyjafjallajökull.

Mais toute décision sera conditionnée à «la sécurité» des passagers, a fait savoir la présidence tournante espagnole de l'UE.

Plusieurs compagnies dénoncent des restrictions de vols excessives, comme les allemandes Lufthansa et Air Berlin, mais aussi la néerlandaise KLM. Elles arguent avoir effectué sans encombre des vols tests ou commerciaux depuis ce week-end. British Airways (BA) a jugé «inutile» la fermeture de l'espace aérien britannique.

---------------

Ryanair reste très prudent sur la reprise des vols

AFP

LONDRES - Le directeur général de la compagnie d'aviation irlandaise Ryanair, Michael O'Leary, s'est montré particulièrement prudent hier quant à la suite des problèmes occasionnés par le nuage de cendres qui perturbe depuis cinq jours le trafic aérien en Europe.

M. O'Leary a «salué» la réouverture progressive de l'espace aérien annoncée par les autorités européennes à partir de ce matin. «Mais nous devons être prudents, les choses peuvent changer d'une heure à l'autre», a-t-il dit.

La compagnie, qui a annulé la plupart de ses vols jusqu'à demain midi, «étudie comment ramener ses avions» à leurs bases.

«Si les informations météorologiques restent bonnes, nous pouvons espérer reprendre nos vols d'ici à mercredi midi, mais je veux prévenir les passagers que (la reprise) est soumise à de possibles changements», en fonction du vent ou d'une accentuation de l'éruption du volcan islandais, a-t-il noté.

---------------

France: un impact sur toute l'économie

ASSOCIATED PRESS

PARIS - L'annulation de nombreux vols depuis cinq jours commence à faire sentir ses effets sur les compagnies aériennes - Air France/KLM évaluait hier ses pertes quotidiennes à 35 millions d'euros (environ 48 millionsCAN) - mais le nuage de cendres islandais pourrait aussi avoir un impact sur d'autres secteurs économiques.

«Si cette situation devait perdurer, l'ensemble des PME françaises rencontrerait des difficultés, notamment dues au retard dans l'acheminement du courrier», s'inquiète la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME). En effet, «près de 25% des paiements se font encore par chèque, dont beaucoup transitent par voie postale».

«La situation provoquée par la fermeture d'une grande partie de l'espace aérien européen perturbe considérablement le fonctionnement de nombreuses entreprises», souligne le Mouvement des entreprises de France (MEDEF). Dans un communiqué diffusé dimanche, l'organisation patronale disait avoir mis en place «une cellule de crise chargée d'évaluer la situation secteur par secteur et de proposer des solutions».