Le transporteur Iraqi Airways s'intéresse à la CSeries de Bombardier, mais un vieux conflit avec Kuwait Airways le force plutôt à regarder du côté de Boeing et d'Airbus. Il l'empêche également de prendre livraison de six biréacteurs CRJ900 commandés à l'avionneur canadien au printemps 2008.

Ce conflit, qui date de la première guerre du Golfe et qui s'est éternisé devant les tribunaux britanniques, s'est retrouvé à la Cour suprême du Canada hier matin. Les parties espèrent obtenir rapidement une décision, mais typiquement, les jugements du plus haut tribunal du pays peuvent prendre de deux à six mois.

«Si la voie était libérée de cet obstacle, nous pourrions examiner calmement nos besoins et voir comment Bombardier pourrait nous aider à y répondre», a déclaré Ahmed Saadawi, un conseiller du premier ministre irakien, dans une entrevue téléphonique avec La Presse Affaires hier.

La CSeries, notamment, intéresse les Irakiens.

«C'est une réelle possibilité, j'ai visité l'usine, j'ai vu la maquette, ça semble un très bon appareil, a déclaré M. Saadawi. Mais pour l'instant, nous ne sommes pas là, nous devons regarder ailleurs, là où nous pouvons acheter, que ce soit chez Boeing ou Airbus, pour éviter les problèmes que nous avons au Canada en raison de ce conflit.»

Kuwait Airways a entamé des procédures contre le gouvernement irakien et sa société aérienne, Iraqi Airways, à la suite de l'invasion du Koweït par l'Irak en 1990. Le transporteur koweïtien exigeait 1,2 milliard de dollars US pour des avions et des équipements volés ou détruits durant l'invasion. Au cours de l'été 2008, un tribunal britannique a ordonné au gouvernement irakien de rembourser les frais juridiques subis jusqu'alors par Kuwait Airways, soit 83,5 millions US.

Le transporteur koweïtien s'est alors tourné vers la Cour supérieure du Québec pour faire reconnaître ce jugement et faire saisir les appareils de Bombardier destinés à l'Irak.

Le juge Paul Chaput a tranché en faveur de Kuwait Airlines en août 2008, mais il est revenu sur sa décision en octobre 2008, en raison notamment de différences entre les législations canadienne et britannique en matière d'immunité des États. La Cour d'appel a confirmé ce jugement en avril 2009 et la cause s'est retrouvée devant la Cour suprême du Canada.

L'Irak estime qu'elle est protégée par l'immunité accordée par la législation canadienne aux États, alors que Kuwait Airways estime que cette immunité ne s'applique pas dans cette cause parce que les actions de l'Irak sont d'ordre commercial.

Jusqu'ici, Bombardier a livré quatre des 10 appareils CRJ900 commandés par Iraqi Airways. L'avionneur a bien pris soin de faire savoir qu'il n'avait pas commencé à construire les six autres appareils.

M. Saadawi a affirmé que le gouvernement irakien avait tenté à plusieurs reprises de régler le conflit hors des tribunaux. En janvier 2009, le président irakien Jalal Talabani et l'émir du Koweït Sabah al-Ahmad al-Sabah s'étaient entendu sur un règlement de 300 millions US, une somme que l'Irak et sa compagnie aérienne étaient prêts à verser à Kuwait Airways. Le transporteur koweïtien avait cependant rejeté cette entente.

«Le fait d'avoir recours à divers systèmes judiciaires dans le monde n'est pas constructif, a déclaré M. Saadawi. Nous devons résoudre le problème entre nous.»