Les voyageurs qui planifient un voyage dans le Sud ou en Europe peuvent se réjouir : les prix sont plus bas que l'an dernier. À condition de ne pas être actionnaire de Transat. L'entreprise souffre énormément de l'arrivée des transporteurs réguliers Air Canada et WestJet dans son marché.

Hier, après la publication des résultats du premier trimestre, le ciel est tombé sur le titre de Transat, qui a perdu presque 30 % de sa valeur. Ce n'est pas tant la perte plus élevée que prévu qui a fait sursauter le marché, mais celle anticipée par la direction pour le deuxième trimestre en cours, traditionnellement le plus rentable de l'exercice.

Ce sera la première fois en 10 ans que Transat affichera un déficit au deuxième trimestre, a reconnu hier son grand patron, Jean-Marc Eustache, au cours de l'assemblée

des actionnaires.

En début d'année, Transat a réduit sa capacité pour faire face à une demande stagnante. Cette stratégie lui a joué un vilain tour. Dès le lendemain, Air Canada et WestJet augmentaient leur capacité pour remplir la place laissée vacante par Transat, qui n'a pu faire autrement

que de baisser ses prix.

Résultat, le premier trimestre s'est terminé avec des revenus en baisse de 10 % et une perte d'exploitation de 12,4 millions de dollars, encore plus lourde que celle de 8,5 millions enregistrée

un an avant.

« Réajustement » à venir

Pour le trimestre en cours, soit les mois de février, mars et avril, Jean-Marc Eustache prévoit la même concurrence acharnée des deux transporteurs canadiens, qui compensent la faiblesse de leur marché d'affaires en envahissant le marché des vacances. Même si les réservations sont supérieures, les prix sont inférieurs à l'année dernière et Transat anticipe une perte.

« C'est une claque dans la face, et une bonne », a admis Jean-Marc Eustache plus tard, en réponse à la question d'un analyste qui voulait savoir si le modèle d'affaires de Transat est toujours viable.

Selon lui, la stratégie de Transat est toujours la bonne, mais elle a besoin d'un « réajustement ». L'entreprise doit différencier ses produits, en ajoutant un petit plus pour faire la différence entre ses forfaits et ceux des autres. « Actuellement, c'est juste une question de prix »,

a-t-il admis.

Les voyages à forfait, qui font la force de Transat, seront encore populaires demain et après demain, soutient le président. « Le vieux lion n'est pas mort », a-t-il soutenu.

En plus d'avoir à soutenir la concurrence des transporteurs réguliers, Transat a souffert de sa politique de couverture de change, qui l'a empêché de profiter de l'impact positif de l'appréciation du dollar canadien. Cette politique de couverture est d'ailleurs remise en question et pourrait être réduite ou éliminée, a fait savoir le responsable des finances, Denis Pétrin.

Pilotes inquiets

Les analystes s'attendaient à des pertes au premier trimestre, mais pas à des pertes de cette ampleur et encore moins à ce que Transat soit encore dans le rouge au deuxième trimestre.

Le titre a écopé, perdant 5,80 $, ou 30 %, pour finir la journée à 13,70 $. « C'est la vie », a commenté philosophiquement Jean-Marc Eustache.

Le vice-président, finances, Denis Pétrin, a rappelé que le titre de Transat s'était beaucoup apprécié récemment, passant de 13 à 24 $. « Il y avait beaucoup d'anticipations

sur les résultats. »

Ces résultats « confirment notre thèse à l'effet que la consolidation parmi les voyagistes canadiens n'améliorera pas la situation de l'industrie à court terme », a commenté de son côté Martin Landry, de Valeurs mobilières Desjardins.

Les chiffres publiés hier par Transat conduisent l'analyste Cameron Doerksen, de Versant Partners, à réduire de 22 à 15 $ son prix cible pour l'action de Transat. En dépit de l'amélioration des conditions économiques, « nous ne voyons pas beaucoup de raisons qui pourraient faire augmenter le cours de l'action à court terme »,

a-t-il expliqué.

Par ailleurs, les pilotes d'Air Transat, qui négocient actuellement le renouvellement de leur contrat de travail, s'inquiètent de la place croissante que prend la sous-traitance dans les activités de la société mère Transat. « Le groupe a augmenté son volume d'affaires, mais le volume d'affaires d'Air Transat n'a pas augmenté dans la même proportion », a expliqué Sylvain Aubin, porte-parole des 325 pilotes d'Air Transat. Selon lui, les pilotes ne sont pas contre les alliances de Transat avec d'autres transporteurs comme CanJet, Skyservice ou Thomas Cook, qui aident l'entreprise à réduire ses coûts. « Mais on est contre la démesure », a résumé le pilote.