Lorsque Sylvie Vachon a été nommée à la barre de l'Administration portuaire de Montréal, il y a sept mois, elle a reçu un appel de félicitations de son homologue du port de Los Angeles. Une autre femme, Geraldine Knatz.

«Elle m'a dit: «Oh, j'ai vu ta nomination, nous ne sommes pas beaucoup», se rappelle en riant Mme Vachon.

Non, peu de femmes occupent un poste de pouvoir dans le monde maritime, mais il y en a de plus en plus. Au Canada seulement, le port de Halifax est dirigé depuis près de huit ans par Karen Oldfield, alors que le port de Toronto a été piloté par Lisa Raitt, actuellement ministre du Travail dans le cabinet de Stephen Harper.

À Montréal, Madeleine Paquin dirige depuis 13 ans Logistec Corporation, entreprise qui fait de la manutention dans 23 ports de l'est du Canada et des États-Unis. Sa soeur Suzanne est vice-présidente.

«Nous commençons à être quelques-unes, mais nous ne remplissons pas une grande salle», lance Mme Vachon.

La Sherbrookoise a pris les commandes du port de Montréal dans des circonstances délicates. Elle a succédé à Patrice Pelletier, ingénieur de formation qui n'a pas fait l'unanimité et qui s'est fait montrer la porte après seulement 18 mois.

Il avait succédé à Dominic Taddeo, qui avait fermement imprimé sa marque en présidant le port pendant plus de 23 années.

«M. Taddeo a eu une longue carrière ici, il avait un style qui lui était propre, indique Mme Vachon. Après, il y a quelqu'un qui a eu un court passage. Dix-huit mois, ce n'est pas assez pour imprimer un style. Moi, autant j'ai travaillé avec M. Taddeo, autant je suis différente. Je puise dans toutes ces expériences, mais je les mets à la manière Sylvie Vachon.»

Cette manière est notamment liée au parcours professionnel de Mme Vachon.

«Je suis arrivée par les ressources humaines, rappelle-t-elle. C'est donc au coeur de ma philosophie. Des quais, des grues, tout le monde peut en avoir. Ce qui crée un modèle Montréal, une identité qui nous est propre, ce sont les gens qui y travaillent, leur ingéniosité, leur dévouement. Pour moi, l'équipe, c'est très important.»

À sa sortie de l'université, Mme Vachon a commencé sa carrière chez Sears comme stagiaire en administration.

«Je suis restée 18 mois, assez pour apprendre que le client a toujours raison, se rappelle-t-elle. C'était leur philosophie, leur marque de commerce, c'est ce que j'ai retenu de mon passage.»

Après un intermède de quelques années dans la fonction publique, Mme Vachon est retournée dans l'entreprise privée. Plus précisément chez MIL Vickers, qui tentait de relancer ses activités. L'ancien chantier maritime, qui ne fabriquait plus de navires depuis longtemps, se spécialisait dans les grandes pièces soudées.

«L'entreprise n'allait pas bien, raconte Mme Vachon. Je n'ai pas fait la relance, mais la fermeture de l'entreprise.»

L'expérience a été difficile sur le plan personnel, mais très enrichissante sur le plan professionnel.

«Il fallait fermer chacun des dossiers. C'est très instructif de comprendre pourquoi on en arrive à les fermer, de voir ce qu'il faut faire pour ne pas se retrouver dans la même situation.»

Puis, on lui a offert un poste aux ressources humaines au port de Montréal. Elle avoue que c'est le poste lui-même qui l'a d'abord intéressée, l'idée de repositionner la stratégie du port sur le plan des ressources humaines. «Je ne connaissais pas grand-chose du port, je connaissais son importance générale sur le plan économique. Et on m'avait décrit son aspect gigantesque.»

Elle a découvert un environnement complexe, au coeur de plusieurs industries, comme le grain, le pétrole, le transport intermodal, les croisières.

Elle a aussi découvert un milieu où les connaissances se transmettent des uns aux autres.

«Ici, les gens partagent leur savoir, ils acceptent de former les autres.»

Avec les années, Mme Vachon a ajouté d'autres cordes à son arc: on a additionné les finances, l'immobilier, les approvisionnements à ses fonctions en tant que vice-présidente des ressources humaines.

Lorsqu'elle a été nommée présidente et chef de la direction de l'Administration portuaire de Montréal sur une base intérimaire, puis sur une base permanente, Mme Vachon a réalisé que son expérience était particulièrement appropriée.

«J'avais déjà le nez un peu partout», lance-t-elle.