Le gouvernement du Québec et la Société de transport de Montréal (STM) ont conclu une entente avec Bombardier et Alstom, mais les autorités gouvernementales se voient forcées de retourner sur le marché international pour le gigantesque contrat du métro de Montréal afin d'éviter des recours judiciaires, a appris La Presse.

Le contrat fera l'objet d'un nouvel «avis d'intention» susceptible de permettre à des concurrents de Bombardier et Alstom dans le monde de manifester leur intérêt pour ce contrat de plus de 3 milliards de dollars.

Après neuf mois de négociations intensives avec le consortium Bombardier-Alstom, le gouvernement du Québec et la Société de transport de Montréal s'étaient entendus sur les termes du contrat d'une valeur de plus de 3 milliards de dollars. Mais le maire de Montréal, Gérald Tremblay, a confirmé les informations de La Presse voulant qu'il faudrait de nouveau sonder l'intérêt des firmes au niveau international. Selon le maire Tremblay, il s'agit d'une bonne nouvelle, puisque cette démarche de 30 jours permettra d'exclure définitivement les risques de recours judiciaires.

Bombardier et Alstom avaient déjà conclu une entente avec la STM et Québec, a-t-il indiqué par ailleurs. «Ils se sont entendus avec Bombardier et Alstom. C'est une excellente nouvelle», a dit le maire Tremblay hier, en marge de la rencontre économique convoquée par le premier ministre Jean Charest à Lévis.

Les juristes du gouvernement ont peur que cette entente soit vulnérable aux contestations judiciaires en raison des changements effectués à l'appel d'offres au cours des négociations.

Les règles de l'Organisation mondiale du commerce sont formelles, explique-t-on du côté du ministère du Développement économique. Pour cette raison, la STM retournera sur la scène internationale, cette fois-ci sous la forme d'un «avis d'intention». Pendant 30 jours, les firmes pourront «lever la main» et réclamer un retour au processus de soumissions.

La STM avait fait un premier appel d'offres le 1er août 2008. Selon cet appel d'offres, la STM avait alors besoin de 340 voitures. Au cours des négociations, la commande est passée à 765 nouvelles voitures. La STM voudrait aussi une option sur 270 voitures de plus, ce qui porterait finalement la commande à 1035 voitures. «Étant donné que les conditions ont changé par rapport à ce qui a été donné au départ, on doit demander de nouveau s'il y a des entreprises intéressées au niveau international», expliquait hier à Lévis une source gouvernementale.

Le maire de Montréal, Gérald Tremblay, a confirmé que la STM déposera sous peu un avis d'intention de 30 jours sur le marché international, afin que toute entreprise puisse faire une offre sur le nouveau contrat. «Pour minimiser le risque d'une contestation possible et d'un retard additionnel, on a choisi d'aller avec un avis de 30 jours, dit le maire Tremblay. Je suis très confiant qu'on va pouvoir procéder le plus rapidement possible après cet avis. On minimise le risque, il n'y a pas de certitude, mais on veut s'assurer qu'il n'y aura plus de délais dans la réalisation du contrat.»

Le maire Tremblay ne s'inquiète pas de ce retard additionnel dans le dossier du métro de Montréal. «Cela vous paraîtra étrange, mais c'est une bonne nouvelle pour moi, dit-il. Le vrai débat, c'était de savoir si on pouvait s'entendre sur un design et un prix. Ils (la STM et le gouvernement du Québec) se sont entendus avec Bombardier et Alstom. C'est une excellente nouvelle.»

La volte-face de la STM n'est pas totalement étrangère à la mise en demeure envoyée à la société de transport par l'entreprise chinoise Zhuzhou Electric Locomotive le mois dernier. Zhuzhou Electric Locomotive voulait faire arrêter les négociations durant deux mois afin d'examiner la possibilité de déposer une offre. Par une lettre de son avocat, la STM avait immédiatement refusé la demande de Zhuzhou Electric Locomotive. «La position mise de l'avant ne peut être prise au sérieux», avait écrit l'avocat Guy Du Pont.

Zhuzhou Electric Locomotive avait l'intention de déposer une plainte au Bureau de la concurrence lundi prochain. L'entreprise chinoise attendra au moins de voir le nouvel avis d'intention de la STM avant d'alerter le Bureau de la concurrence.

Les concurrents de Bombardier-Alstom ne devraient pas se réjouir trop rapidement. Selon une source gouvernementale, le nouvel avis d'intention sera si précis qu'il est «bien peu probable qu'une autre entreprise dans le monde puisse y participer».

Le manque d'intérêt démontré par les constructeurs sur la scène internationale pour le contrat du métro de Montréal s'explique par le fait que le métro montréalais fonctionne avec des roues pneumatiques, la spécialité de Bombardier et Alstom.

Zhuzhou Electric Locomotive a l'intention de contester en justice le nouvel avis d'intention de la STM s'il pose la condition d'utiliser la technologie de roues pneumatiques. «Nous contesterons l'avis d'intention en cour si on n'ouvre pas les offres à la technologie des roues en acier», dit Glen Fisher, consultant dans l'industrie du transport ferroviaire qui agit à titre de représentant de Zhuzhou Electric Locomotive dans ce dossier.

La STM a répété à maintes reprises par le passé qu'elle n'avait pas l'intention de changer de technologie de rails. Encore hier, le maire Tremblay a réitéré qu'il n'était pas question de changer les rails du métro.

Le lancement d'une deuxième sollicitation sur le marché international est le dernier des nombreux rebondissements dans le dossier du métro de Montréal. Autorisée par Québec à lancer un appel d'offres pour 1,2 milliard, la STM a entrepris, à la suggestion du ministre Claude Béchard, une négociation pour un contrat de gré à gré avec Bombardier. Se voyant exclue du processus, l'entreprise française Alstom s'est adressée aux tribunaux, qui lui ont donné raison. Le jugement de la Cour supérieure à forcé la STM et Québec à ouvrir un appel d'offres en bonne en due forme le 1er août 2008. En octobre 2008, Bombardier et Alstom ont annoncé leur intention de former un consortium dans le cadre du contrat du métro de Montréal. Aucune autre entreprise n'a déposé d'offre.

La facture du contrat du métro de Montréal sera acquittée par le gouvernement du Québec (75%), la STM (12,5%) et la Ville de Montréal (12,5%).

Bombardier et Alstom n'ont pas rappelé La Presse hier.