Alors que les contrôles de sécurité deviennent de plus en plus contraignants dans les aéroports, le train devient de plus en plus attrayant pour les passagers. Et surtout, le train à grande vitesse.

«Quand on voit ce qui se passe dans les aéroports, ça devient une alternative qui devrait être considérée sérieusement entre les grands centres», s'exclame Paul Côté, dans une entrevue avec La Presse Affaires quelques jours seulement après avoir quitté la présidence de VIA Rail.

M. Côté a passé 38 ans dans le domaine des trains de passagers, d'abord au CN, puis à VIA Rail, dès la création de cette société en 1978. Il a fait son chemin dans la hiérarchie pour accéder à la présidence de VIA Rail il y a six ans.

«Le transport ferroviaire de passagers, c'est le seul travail que j'ai fait de toute ma vie», lance-t-il.

Or, ce secteur pourrait connaître une impulsion importante en 2010. Il y a deux ans, le Québec, l'Ontario et le gouvernement fédéral ont chargé un comité de réviser et de réactualiser les études effectuées au cours des 20 dernières années au sujet de l'implantation d'un train à très grande vitesse dans le corridor Québec-Windsor. Les résultats de cet examen technique de 3 millions de dollars devraient être présentés aux gouvernements au cours des prochains mois.

«On aurait souhaité que ces résultats nous proviennent plus tôt, mais mieux vaut tard que jamais, déclare M. Côté. Mais le fait qu'il y ait un intérêt du côté politique, qu'il y a une volonté d'examiner les différentes alternatives pour prendre les bonnes décisions, c'est bon signe.»

Les longues lignes d'attentes aux contrôles de sécurité dans les aéroports et la congestion routière constituent des arguments en faveur de l'instauration de trains à grande vitesse, mais il y en a d'autres, soutient M. Côté.

Il y a toute la question environnementale, il y a toute la commodité d'un déplacement de centre-ville à centre-ville, il y a également la possibilité de travailler confortablement pendant tout le trajet.

«Nous espérons que les résultats de l'examen permettront de passer à une autre étape, aux études de préfaisabilité et de faisabilité, indique-t-il. Il ne manque pas de savoir-faire ici, avec Bombardier, SNC-Lavalin et les autres. Mais ça prendra de bons arrangements financiers.»

Un projet de train à très grande vitesse, avec voie dédiée, risque de coûter très cher. Dans l'industrie, on parle d'une vingtaine de milliards de dollars.

«On aimerait tous avoir un train à très grande vitesse, mais est-ce qu'on peut se le permettre?» s'interroge un autre M. Côté qui s'est longtemps impliqué dans le domaine ferroviaire, Jacques Côté, membre du conseil d'administration de Transport 2000 Québec, une association de promotion des transports en commun.

Jacques Côté a notamment été président du Chemin de fer Saint-Laurent et Hudson, une filiale du Canadien Pacifique. Plus récemment, il a été président-directeur général de la Société du Havre.

Il voit une solution de rechange à un train à très grande vitesse: un train à grande vitesse, comme l'Acela, qui fait la liaison entre Washington, New York et Boston. Ce train a été conçu par Bombardier et Alstom pour naviguer sur les infrastructures existantes.

«Un tel train n'ira jamais à 350 km à l'heure, mais il pourrait aller à 200 km à l'heure, affirme Jacques Côté. Mais au lieu de coûter 20 milliards de dollars, il pourrait coûter de 3 à 5 milliards.»

Ce train rapide risque cependant de se heurter à un problème récurrent dans l'industrie ferroviaire: le fait que les trains passagers et les trains de marchandises partagent les mêmes voies.

«Les trains de marchandises peuvent compter jusqu'à 200 wagons, explique Jacques Côté. Pour eux, ce n'est pas la vitesse qui est le plus important, mais la fiabilité, l'horaire. Ils vont opérer à 45, 60 km à l'heure. Le train Via, lui, opère à 100 km à l'heure. Il devra donc dépasser le train de marchandises, ou attendre derrière.»

Selon lui, il y a des solutions. Entre Montréal et Toronto, le CN et le CP ont tous deux leur propre corridor. Il serait possible de réserver un de ces corridors pour les trains passagers et de faire passer tous les trains de marchandises sur l'autre. Évidemment, il faudrait que le CN et le CP, des entreprises concurrentes, s'entendent entre elles.

«C'est le problème, reconnaît Jacques Côté. Mais le gouvernement peut s'impliquer et asseoir les gens autour d'une table pour discuter.»

Entre Québec et Montréal, il serait encore plus facile de s'entendre puisqu'il y a trois corridors. Le troisième pourrait être dédié aux trains de passagers.

«Avec la technologie de la grande vitesse, ce serait possible de faire le trajet en une heure et demie, affirme Jacques Côté. Pour Montréal-Toronto, il faudrait viser trois heures. En raison de la détérioration du côté aérien, c'est presque comparable au temps de déplacement centre-ville à centre-ville.»

Les trains de passagers ont toutefois une sérieuse pente à remonter au Canada.

«Nous sommes dans une société qui a favorisé l'aviation et les routes» observe le président sortant de Via, Paul Côté.

En 1990, le gouvernement fédéral a supprimé les subventions à Via Rail, ce qui a entraîné l'amputation de 50% de son réseau. Ottawa vient toutefois de créer une enveloppe de 923 millions pour améliorer certaines voies et permettre à Via de moderniser ses locomotives, ses wagons et ses gares.

«On espère que ça va relancer la croissance de l'achalandage», lance Paul Côté.

Transport 2000 apprécie les investissements que Via Rail pourra effectuer, notamment dans le corridor Montréal-Toronto.

«Ça va améliorer la capacité, mais c'est une goutte d'eau dans l'océan, affirme Jacques Côté. On ne s'attaque pas au problème de base, le mélange trains de passagers-trains de marchandises.»