De son poste d'observation privilégié, sur la rive sud du fleuve, entre Trois-Rivières et Québec, Monique Duhamel a pu constater les effets de la récession sur le trafic maritime.

Depuis 1964, Mme Duhamel et son mari, Delphis, saluent les navires qui passent devant leur résidence de Deschaillons-sur-Saint-Laurent. Pour chaque bateau, ils hissent les drapeaux et font jouer l'hymne national du pays d'origine des membres de l'équipage, assez fort pour qu'on puisse l'entendre sur le fleuve. Ils estiment qu'ils ont ainsi salué près de 80 000 navires en 45 ans.

Mais en 2009, ils ont été nettement moins occupés qu'au cours des années précédentes. Ils ont consigné les noms d'un peu moins de 1000 navires dans leur carnet de bord, alors qu'ils en avaient inscrit plus de 1200 en 2008.

«L'année 2009 a été beaucoup plus tranquille, il y a eu une grosse baisse», a relaté Mme Duhamel lundi, en marge de la cérémonie de remise de la 171e Canne à pommeau d'or, dans les bureaux de l'Administration portuaire de Montréal.

En début de soirée, le 31 décembre, Monique et Delphis Duhamel étaient aux premières loges lors du passage à Deschaillons-sur-Saint-Laurent du OOCL Belgium, qui allait devenir le premier navire à franchir les limites du port de Montréal en 2010.

À tout seigneur, tout honneur: le capitaine du OOCL Belgium, Steven Lloyd, a reçu sa Canne à pommeau d'or des mains de la présidente-directrice générale de l'Administration portuaire de Montréal, Sylvie Vachon. Le bateau, qui bat pavillon de Hong Kong, a franchi les limites du port de la métropole à minuit 51, le 1er janvier.

La canne est remise chaque année au premier navire océanique à entrer dans le territoire du Port de Montréal. Sous les commandes d'un autre capitaine, l'OOCL Belgium avait déjà remporté l'honneur en 1999.

«Cette année, cette cérémonie revêt une importance particulière car elle marquera - nous l'espérons tous - le début d'une reprise de la croissance économique», a déclaré Mme Vachon devant des dizaines de membres de l'industrie maritime montréalaise.

«Les données récentes sur les trafics pointent dans cette direction et je peux vous dire que nous sommes prêts pour cette reprise tellement attendue», a-t-elle ajouté, en précisant que dès mai 2009, le trafic avait commencé à se redresser au port.

Prévisions

Il reste que l'année 2009 aura été difficile. Le port de Montréal a enregistré une baisse de 11,9% de son volume total, qui a atteint 23,8 millions de tonnes. Environ 1,26 million de conteneurs y auront été manutentionnés, contre 1,47 million en 2008. Il s'agit toutefois d'une baisse moins importante que celles essuyées par les autres installations portuaires de la côte est de l'Amérique du Nord.

Le trafic céréalier a fait fi de la récession, puisqu'à la fin novembre, il enregistrait une hausse de 16,9% par rapport à la même période de 2008. Sur le plan géographique, le marché de la Méditerranée, relativement nouveau pour le port de Montréal, a poursuivi sa forte croissance.

En 2010, Sylvie Vachon s'attend à ce que le port de Montréal réussisse à maintenir son trafic par rapport à 2009, voire à l'augmenter légèrement. Mais elle n'entrevoit pas le retour aux niveaux records de 2008 avant deux ou trois ans.

Dans ce contexte, on a revu le projet d'expansion Vision 2020, dévoilé en grande pompe en avril 2008 par le prédécesseur de Mme Vachon, Patrice Pelletier, qui a été congédié en mars 2009.

«C'est sûr que d'ici 2020, on va avoir investi beaucoup, mais est-ce qu'on va avoir tout fait (ce que Vision 2020 prévoyait)? J'en suis moins sûre», a admis la dirigeante.

L'Administration portuaire a injecté 46 millions en 2009 pour améliorer ses installations. On a aussi poursuivi la réalisation d'études de faisabilité en vue de la construction du nouveau terminal Hochelaga-Viau. Ce dernier devait être inauguré en 2011, mais lundi, Sylvie Vachon n'a voulu avancer aucune nouvelle échéance.

Le plan Vision 2020 vise à tripler, d'ici 2020, la capacité de manutention de conteneurs du port en réaménageant l'espace et en construisant de nouveaux terminaux.

Beaucoup d'éléments du plan stratégique doivent encore être ficelés, notamment son financement. La direction compte notamment sur l'appui des gouvernements, des sociétés ferroviaires et des entreprises qui utilisent les installations portuaires.