Boeing (ba) a encore dû repousser mardi son premier vol d'essai du 787 «Dreamliner», son avion de ligne de nouvelle génération sur lequel l'avionneur américain a fait un énorme pari commercial mais qui a déjà pris près de deux ans de retard.

Le groupe de Chicago a expliqué qu'il devait «renforcer une zone sur une section du fuselage», et que ce besoin avait été identifié «lors de récents tests» effectués sur l'appareil. Il a indiqué avoir besoin de «plusieurs semaines» avant de donner un nouveau calendrier.

Ce nouveau retard est une surprise, alors que Boeing affirmait encore une semaine plus tôt, lors du salon aéronautique du Bourget (France), être dans les temps, entre un vol d'essai prévu d'ici la fin du mois et de premières livraisons au premier trimestre 2010.

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Initialement, les premières livraisons de cet avion présenté comme le plus économe du marché étaient prévues en mai 2008.

La direction a voulu minimiser l'importance de ce contretemps, affirmant que des changements structurels avant un vol d'essai n'étaient «pas rares» dans cette industrie.

«Une analyse préliminaire a montré que le vol d'essai pouvait avoir lieu comme prévu ce mois» avec une solution «temporaire», a aussi détaillé Boeing, qui préfère une modification définitive.

«C'est un renforcement assez simple», a renchéri en conférence téléphonique Scott Carson, le patron de la division aviation commerciale chez Boeing, indiquant qu'il s'agissait d'ajouter des pièces «grandes comme la main», ce qui «peut se faire sur les appareils déjà assemblés».

La production du 787 restera «fluide», a assuré la direction, selon laquelle ce renforcement «ne remet pas en question» le design ni le choix des matériaux retenus - 50% de matériaux composites, là où l'aluminium est le composant principal des appareils actuels.

Interrogé sur les raisons pour lesquelles «une si petite chose prend autant de temps à régler», M. Carson a répliqué que Boeing voulait «être solide comme un roc» sur la qualité de ce renforcement.

La nouvelle était très mal accueillie par le marché. L'action Boeing perdait 8,91% à 42,72 dollars à la Bourse de New York vers 12h00.

Un expert du secteur ayant requis l'anonymat faisait remarquer que si les équipes de Boeing «parlent d'un problème structurel, c'est quand même bizarre qu'ils n'aient pas vu ça» plus tôt. «Dans ce type de développement aéronautique, revoir un fuselage, ce n'est pas rien».

Le 787 est un énorme pari commercial pour Boeing, dont les 865 commandes engrangées à ce jour représentent 144 milliards de dollars de recettes.

L'appareil ambitionne d'être le moins coûteux du marché, avec notamment 20% d'économies de carburant, des économies d'électricité et de coûts de maintenance, grâce à son design, aux matériaux et aux technologies utilisés.

Mais le programme a été reporté à plusieurs reprises depuis septembre 2007 en raison de problèmes industriels à répétition, qui tiennent en partie à la méthode de production innovante retenue par Boeing: l'avionneur a éclaté sa production en ayant recours à 43 fournisseurs dans le monde entier, ce qui a entraîné des problèmes de suivi.

La première compagnie à devoir prendre livraison est la japonaise ANA (All Nippon Airways), qui avait passé une commande historique de 50 appareils dans la foulée du lancement du programme 787 en avril 2004.

Interrogé sur les conséquences pour les 56 compagnies clientes du 787, qui pourraient réclamer des indemnités ou annuler leurs commandes, la direction de Boeing a dit avoir «commencé à discuter avec (ses) clients hier soir» (lundi), assurant que «tous respectent le processus» et la nécessité de cet «ajustement».

Boeing a déjà essuyé deux annulations de commandes en début d'année, de la compagnie russe S7 pour quinze 787 et du loueur émirati LCAL pour 21 appareils.