La nomination par Ottawa d'un médiateur spécial chez Air Canada afin de provoquer une entente sur le renflouement de ses régimes de retraite constitue un précédent qui pourrait inspirer d'autres grandes entreprises aux prises avec un tel problème financier.

C'est du moins l'avis de spécialistes en gestion de régimes de retraite consultés par La Presse Affaires au lendemain de l'annonce d'un médiateur spécial chez Air Canada par le gouvernement Harper.

«Plusieurs grandes entreprises sous compétence fédérale, dans les transports, les télécoms et les services financiers, par exemple, font aussi face à un défi financier provoqué par leurs prochaines cotisations spéciales à leurs régimes de retraite, et dont les déficits ont empiré après la crise financière et boursière de l'an dernier», a souligné un professionnel d'une importante firme montréalaise de service-conseils en régimes de retraite.

«Chez Air Canada, le fédéral affecte un médiateur spécial alors qu'il est déjà en train d'assouplir ses normes de renflouement de déficit des régimes de retraite des employeurs sous compétence fédérale. Par conséquent, si une éventuelle entente chez Air Canada devait aller plus loin que cet assouplissement en cours, sans doute que plusieurs entreprises pourraient réclamer le même recours auprès d'Ottawa.»

Selon un autre professionnel des régimes de retraite, les difficultés financières d'Air Canada liées à la récession et le « risque politique » pour Ottawa d'un second recours à la protection des tribunaux en quelques années auraient été les principaux facteurs pour imposer ce médiateur spécial et éviter une autre crise des régimes de retraite déficitaires.

«En imposant un médiateur chez Air Canada , le gouvernement Harper a sans doute voulu se débarrasser d'une autre patate chaude économique et financière, après les milliards fournis à GM et l'explosion annoncée du déficit fédéral», a suggéré cet expert à La Presse Affaires.

Déficits d'exploitation

Cette nomination, annoncée jeudi, survient alors qu'Air Canada fera face d'ici quelques semaines à des cotisations spéciales de 650 millions à ses régimes de retraite, dont le déficit actuariel a plus que doublé à 2,9 milliards depuis 2007.

Cette obligation financière considérable approche aussi au moment où le transporteur aérien, malmené par la récession, aligne des déficits d'exploitation croissants.

Pour ses quatre derniers trimestres achevés, Air Canada a déclaré une perte nette totalisant 1,3 milliard, dont 400 millions pour le seul trimestre de janvier à mars derniers.

Avec une telle détérioration, des analystes boursiers ont déjà annoncé l'imminence d'une crise de liquidités chez Air Canada, qui pourrait la contraindre à se placer à nouveau sous la protection judiciaire à l'égard de ses créanciers.

Par ailleurs, le défi financier des régimes de retraite survient alors la compagnie aérienne mène, avec les syndicats de ses 23 000 employés, sa plus importante ronde de négociations de conventions collectives depuis la fin de sa précédente restructuration d'insolvabilité, en 2004.

Déjà, les dirigeants syndicaux ont indiqué que l'issue de leurs négociations devait aussi inclure une entente sur les cotisations spéciales au déficit des régimes de retraite.

Aussi, ils ont rejeté jusqu'à maintenant la proposition d'Air Canada d'un sursis jusqu'à la fin de 2010 pour ses prochaines cotisations spéciales aux régimes de retraite.